La première conférence dédiée aux équipes produit qui veulent pleinement exploiter le potentiel de l’IA. Telle était l’ambition de l’AI Product Day, organisée par le cabinet Data et IA Hymaïa, en partenariat avec Le Ticket, le 31 mars dernier. Promesse tenue.

 ⌛ 10 min de lecture en se prenant des claques

 ✉️ Article issu du Ticket n°104

Retrouve toutes nos synthèses des interventions de l’AI Product Day ici

Ce que tu vas apprendre dans cet article sur l’AI Product Day :

1- Notre ressenti général de cette journée #Vibe

2- Stupidité, désespoir, montée en compétences : les claques de Tristan Charvillat (ex Malt & BlaBlaCar) #SLAP

3- Demain, il faudra designer des produits pour des humains… mais aussi pour des agents IA #Dust


45 speakers, 32 talks, plus de 300 participant·es… Pour cette première édition de l’AI Product Day, Hymaïa avait vu grand. À raison : les billets sont partis comme des petits pains (une centaine de personnes sur liste d’attente !).

En ce 31 mars ensoleillé, tout ce petit monde s’est retrouvé dans l’illustre Fondation Biermans-Lapôtre, une des résidences universitaires de la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP). Un retour sur les bancs de l’école pour réapprendre son métier à l’ère de l’IA.

Session de rattrapage avec nos enseignements marquants.

Crédit : Hymaïa

1- “AI done is better than perfect” : notre ressenti général de cette journée

Un petit avis global (et forcément subjectif) pour commencer. Afin d’essayer de te transmettre quelques vibes qu’on a ressenties perso durant la journée et de te plonger dans l’ambiance.

  • Retour aux sources. On a trouvé une forme de ferveur, de fraîcheur voire de naïveté qui nous a rappelé les débuts du produit en France et de la startup nation. Un peu à l’arrache par moment mais une légèreté et une touche d’humour qui fait malgré tout du bien (surtout dans le contexte actuel).
  • Beaucoup de retours d’expérience. C’était riche ! Avec une bonne représentation des différentes potentialités de l’utilisation de l’IA (interne / externe, opérationnel / stratégique, débutant / expert). L’occasion de voir, en discutant avec les participant·es dans les allées, les différences de maturité entre des boîtes qui font de l’IA depuis des années (type Younited) et d’autres pour qui IA = IA générative (alors qu’un modèle de deep learning ou de machine learning peut très bien faire l’affaire, comme l’a expliqué Ubisoft dans son cas d’usage).
Crédit : Hymaïa
  • L’heure des réponses plutôt que des questions. Corollaire des points précédents, on a constaté un fort besoin de partage sur ce que chacun faisait de son côté. Sans trop se poser de questions sur les (nombreux) risques de l’IA. On n’a quasi rien entendu par exemple sur les questions de confidentialité des données, d’empreinte environnementale, d’éthique ou encore de souveraineté. À l’exception peut-être d’une conf’ sur les biais des IA. Trop tôt sûrement.
  • Un panel de haut niveau. C’est un petit tour de force de la part d’Hymaïa d’avoir réussi à rassembler en aussi peu de temps (quelques mois seulement) autant de bonnes interventions (en respectant la parité sur la scène principale 👏). Tout n’a évidemment pas été parfait. L’anglais a pu desservir quelques propos. La tête d’affiche Marty Cagan n’a pas été aussi divin qu’à l’accoutumée (“Il se la raconte là, non ?”). Mais, à l’image de l’orga de cette conf, on en ressort avec un message central : AI done is better than perfect. Clairement une invitation à passer à l’action.

Allez, passons aux interventions en question.

Crédit : Hymaïa

2- Avec l’IA, on n’a pas fini de se prendre des claques 

“Une claque. Une claque”. Tu te rappelles de cette pub mémorable d’Orange il y a une quinzaine d’années ?

La claque, on se l’est objectivement tous et toutes prise à un moment avec l’IA. Sur scène, Tristan Charvillat, l’ex VP Product Design de BlaBlaCar et Malt et co-auteur de Discovery Discipline, raconte les siennes. Enfin. En parlant de lui, il nous tend en réalité un miroir. Un talk d’intro très bien pensé pour lancer la journée. 

👏 Sa 1ère claque ?

L’épisode du podcast Génération Do it Yourself avec Laurent Alexandre, cofondateur de Doctissimo, en juin 2023 (NDLR : intéressant en effet… si l’on arrive à faire abstraction du côté imblairable et suffisant du bonhomme).

Crédit : Hymaïa

La phrase qui le marque ? “Le fossé va se creuser entre les personnes qui savent utiliser l’IA et les autres”. Réflexion de Tristan :

“Je dois être du bon côté, ce n’est plus une option”.

Il raconte alors son cheminement qui suit la fameuse courbe Dunning-Kruger. Tout débutant atteint très vite la “montagne de la stupidité”. En gros, on n’y connaît rien… mais on est en surconfiance (on ne sait pas qu’on ne sait pas) !

“J’écrivais des mails en anglais avec le style de Shakespeare, je générais des blagues aux repas de famille…” se rappelle Tristan.

Sauf que la descente (dans la “vallée de l’humilité” ou “du désespoir”) est toute aussi brutale. Une fois cette excitation initiale passée, Tristan se rend compte que ses usages de l’IA sont plutôt gadgets. Des nouveaux outils apparaissent tous les jours, la surabondance d’infos quotidiennes paralyse… “Si je commence aujourd’hui, demain je serais out… donc autant commencer demain !”

👏 Sa 2e claque

Puis il découvre Dust, l’outil (🇫🇷) qui mêle LLM et RAG, autrement dit qui permet de générer des infos pertinentes à partir d’une base de connaissance spécifique et contextuelle (une documentation sur Notion, des conversations sur Slack etc.).

“Ça a changé ma vie pro en décuplant ma productivité”, indique-t-il (il donne plus de détails dans son intervention à la dernière LPC). En fond, la dizaine d’assistants IA qu’il s’est construit.

“Je n’utilise plus la moitié. Mais ce n’est pas grave. L’important, c’est le plaisir de créer. Il s’agit du cheminement pour progresser”, poursuit-il.

Crédit : Hymaïa

👏 Sa 3e claque

Sur son chemin vers le “plateau de la consolidation”, il rencontre toutefois beaucoup de personnes qui sont perdues dans la vallée du désespoir. “Dans ma boîte, l’IA n’est pas autorisée”, “C’est rigolo l’IA mais je vais plus vite sans” etc.

D’où l’idée de créer l’AiPAD Club (pour AI for Product And Design) afin que chacun et chacune puissent partager leurs claques et leurs cas d’usages.

“Nous entrons dans l’ère des “développeurs citoyens”. La curiosité est leur super pouvoir et tout le monde s’est mis à un moment en action et n’a pas abandonné en chemin”, assure-t-il.

Le message est clair.

Tout au long de la journée, une question s’est alors répandue dans les allées : “Et toi, c’est quoi ta claque ?”

👏 Notre claque au Ticket : La slide de fin de Tristan !

On te raconte la nôtre. La veille au soir, lors d’un pot entre speakers chez Hymaïa, on chambre Tristan :

“Comment ?! Toi l’auteur de FOCUSED, de AiPAD ou de CAFÉ, tu fais demain une conf’ sans acronyme !”

Bien mal nous en a pris. Le lendemain, Tristan affiche notre tronche (avec 10 piges de moins, merci Dall-E) sur sa slide de fin… et un acronyme qu’il a trouvé dans la soirée !

  • Search (identifie une opportunité réelle basée sur ton observation)
  • Limit (concentre-toi sur un cas d’usage clair et réduit)
  • Apply (met-le en application dans ton quotidien)
  • Persist (recommence et affine-le jusqu’à ce que cela fonctionne)

SLAP. Claque en anglais.

Faut pas chauffer Tristan sur les acronymes – Photo : Linkedin de Marie Petit

3- Demain, il faudra designer des produits pour des humains… mais aussi pour des agents IA !

Blague à part, notre vraie claque de la journée provient de la conf “Thinking outside the bot” d’Edouard Wautier, ex Withings et ex 1er designer d’Alan, aujourd’hui Principal Product Designer de Dust , l’une des pépites françaises en IA. Pour sa visée prospective, sans tomber dans de la futurologie souvent masturbatoire et difficilement actionnable. 

Crédit : Hymaïa

Ce qu’on a aimé ? La richesse de son point de vue de designer. Edouard n’est pas tombé dans le discours autour de l’IA magique et fantasmatique qui dépasse l’humain. Non, prosaïquement, son métier c’est :“concepteur de cockpits et d’ergonomie pour que l’IA puisse exprimer ses potentialités au lieu de rester dans son bocal”.

Un rappel précieux : les équipes produit sont des enablers (activateurs) de l’IA. C’est qui le patron ?

Les 3 leviers d’action des Product pour étendre les capacités de l’IA

Comment améliorer les potentialités de l’IA via un produit ? Voici son petit framework :

  • Intelligence

Objectif : Avoir de meilleures réponses

Comment ? C’est vaste ! On retrouve ainsi dans cette section le RAG pour combler les problèmes de mémoire de l’IA mais aussi les outils de recherche dans une base de données, des connecteurs API, des lecteurs de documents etc. Classique.

  • Ubiquité

Objectif : Avoir des réponses plus rapidement

Ici, tout est question de contexte : 

  • Contexte de présence : L’IA doit se situer directement où les utilisateurs travaillent (ne pas avoir à changer de fenêtre pour y accéder)
  • Conscience du contexte : L’IA doit comprendre l’environnement de l’utilisateur sans explication explicite. Sur l’éditeur de code Cursor par exemple, elle connaît la code base de l’utilisateur car elle y a accès.
  • Contexte d’action : L’IA peut modifier l’environnement de l’utilisateur. Sur Cursor toujours, elle peut changer directement du code écrit par l’humain
  • Agency (capacité d’action)

Objectif : Avoir plus de tâches effectuées par l’IA pour l’utilisateur

C’est ici que les choses bougent le plus en ce moment avec l’essor de la notion d’agents IA. La distinction entre “assistant” et “agent” ? L’autonomie.

Dans le 1er cas, l’enjeu est la collaboration entre l’humain et l’IA. En termes de produit, on a généralement affaire à un flux de conversation ou un document en co-édition. 

Dans le 2e cas, l’enjeu est bien différent. Le besoin : superviser l’action de l’agent, c’est-à-dire le suivre, l’observer ou encore le contrôler. Pas du tout le même type de produit.

Crédit : Hymaïa

Quelles implications en termes de stratégie produit à l’avenir ?

On arrive dans le cœur de la claque. En résumé, la question est la suivante : qu’est-ce que l’IA va changer dans la conception de produits ? Edouard prend ici l’illustration de Star Wars. 

D’un côté, il y a R2D2 (tu sais, le petit robot bleu qui ressemble à un aspirateur et qui parle comme un vieux Modem). Incapable de beurrer une tartine (il n’a pas de bras), il est très fort pour parler aux autres machines.

De l’autre, il y a C3PO (le grand dadais doré). Un humanoïde, c’est-à-dire qu’il va simuler les actions d’un humain. Ce qui est généralement moins rapide et plus coûteux… mais compréhensible pour nous.

Crédit : Unsplash

Voici grosso modo les deux approches complémentaires qui vont émerger à l’avenir. Et qui vont se matérialiser dans 3 changements clés : 

  • Dimensional Shift

L’équilibre entre des produits horizontaux (ex: Notion, qui peut avoir de multiples usages) et verticaux (spécialisés) va évoluer.

Dit autrement, l’IA va déplacer le moment où l’on aura besoin de produits plus verticaux.

“Cela impose de se questionner sur l’endroit précis où l’on apporte de la valeur et si elle va résister à ces changements”, indique-t-il.

  • Human/Agent Shift

Les équipes produit ont l’habitude de concevoir des produits pour des humains. Normal. Sauf que demain, de plus en plus d’utilisateurs de son produit seront des agents IA.

Conséquence : il faudra construire des interfaces où des humains et des agents collaborent… voire qui seront principalement utilisées par des agents. Genre designer pour R2D2.

  • Value shift

Corollaire du point précédent : avant, la valeur d’un produit tenait dans son utilisabilité pour des humains. Demain, la valeur résidera de plus en plus dans l’opérabilité avec des agents. Cela deviendra même parfois le critère de sélection de ses logiciels.

Crédit : Hymaïa

Quelles implications en termes de tactique produit à l’avenir ?

Concrètement, cela veut dire quoi ?

  • Repenser ses API

“Généralement, on ne met pas une fonction pour “commenter un document” dans une API car c’est une tâche faite par un humain. Sauf qu’il faut arrêter de penser comme ça : la plupart de ce que fait un humain devra désormais pouvoir être fait via une API”, détaille Edouard.

  • Revoir son ergonomie

Ce dernier donne l’exemple de personnes qui ont commencé à faire des tests d’utilisabilité de leur site… pour des agents IA ! L’idée : commencer à penser l’ergo de son produit pour un usage agentique et non seulement humain

  • Appréhender le besoin d’observabilité

Si les agents se multiplient, il faudra créer des façons simples de savoir ce qu’ils font. Donc créer des interfaces de monitoring, de gestion des permissions, de création d’alertes etc.

Comment faire pour pousser l’IA dans son entreprise ?

On passe du coq à l’âne avec, en conclusion, les 5 recos d’Edouard pour embrasser l’IA dans son orga :

1- Trouver des champions (early adopters)… et les valoriser / récompenser

2- Avoir une équipe de direction exemplaire sur le sujet (= qui l’utilise et la pousse)

3- Ne pas brider l’usage de l’IA en interne 

4- Opter pour l’information ouverte par défaut

“L’IA gagne en puissance quand elle a accès aux bonnes infos. Sauf que les équipes fonctionnent généralement en silos et limitent l’accès à leurs documents par défaut, pour des questions de praticité plus que de confidentialité souvent. L’idée, c’est de faire l’inverse : partager par défaut et restreindre l’accès quand cela est nécessaire”, plaide Edouard (l’enjeu principal de Dust !)

5- Investir dans les équipes qui sont des postes de coût ou de revenus (support, success, sales) mais aussi celles qui vont favoriser son adoption (Ops, Data).

Crédit : Hymaïa

Son ultime bafouille : “Avec l’IA, c’est à la fois le sol et le plafond qui changent”

Le sol, c’est le seuil à partir duquel il est possible de faire du design. Indéniablement, il est en train de baisser : le design devient de plus en plus accessible, ce qui représente un risque pour les designers.

Le plafond, c’est la somme des choses qu’il est désormais possible de faire. Lui aussi augmente.

“On n’est plus très loin du moment où l’on pourra demander à Figma de faire une application. Les Product designers vont ainsi pouvoir aller plus loin dans la chaîne de valeur qu’auparavant”, confie celui qui s’est remis à coder depuis qu’il est arrivé chez Dust grâce à Cursor.

Avant de lancer : “Le mieux, c’est de ne pas mettre la tête dans le sable. Les choses vont changer, quoi qu’il arrive…”


Tu peux lire ensuite les autres résumés des interventions de l’AI Product Day :

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