Comment Back Market établit sa vision et sa stratégie ? Interview avec Amandine Durr, la Chief Product Officer du (super)marché du reconditionné (650 salariés, 15 millions de clients dans 18 pays et 320 millions de chiffre d’affaires).

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Ce que tu vas apprendre dans cet article sur la vision et la stratégie de Back Market : 

1. La vision de Back Market tient dans un one-pager ainsi qu’un compte de résultat sur 3 ans

2. Cette vision devient une stratégie par le truchement des OKR (oui, truchement)

3. Une stratégie n’a d’intérêt que si elle influence la priorisation des équipes


1. Avant la stratégie, une vision à 3 ans mise à jour tous les ans

Tout part d’une vision. Autrement dit, une direction qui fixe l’ambition de Back Market à long terme. Du moins sur les trois prochaines années.

Celle-ci se matérialise par deux éléments : 

  • un one-pager qui résume ce que le Comex (comité éxécutif) veut faire
  • un compte de résultat envisagé (P&L)

Des chiffres et des lettres.

“Sans chiffre, chacun peut interpréter les mots comme il l’entend. Mais les chiffres seuls ne veulent pas dire grand chose”, explique Amandine.

Qui ajoute un point important : “Il n’est pas question de stratégie produit ou de stratégie marketing mais de stratégie de boîte. Back Market est un type d’entreprise où le produit, c’est notre plateforme dans sa globalité, et non un service adjacent”.

Comment les 8 personnes du Comex (CEO, Tech, Marketing, Ops, Produit, Finance, Commercial, People) bâtissent et mettent à jour cette vision tous les ans ? Grâce à un offsite de deux jours en juin.

Chacun et chacune doit venir avec sa propre vision, c’est-à-dire remplir son propre one-pager et P&L (pas seulement de son spectre mais pour l’ensemble de la boîte). Un par un, tout le monde lit ses propositions. Puis, aidée par un coach en facilitation, la troupe aboutit à une vision unifiée qui recoupe les convergences et traite les divergences.

“Personnellement, j’ai élaboré ma proposition de vision seule, en me basant sur mes convictions et en mixant la mission de Back Market avec le business. Mais je ne voulais pas embêter mes équipes avec cela”, indique Amandine.

2. Une vision qui se transforme en stratégie au moyen des OKR

À la fin de ce séminaire, Amandine et sa collègue au marketing peaufinent les mots du one-pager final tandis que leur collègue à la finance fait de même avec le P&L. La vision est alors prête à être communiquée au “leadership group”, à savoir un groupe étendu d’une dizaine de leaders ayant un périmètre de responsabilité cross-fonctionnel sur une des grandes verticales de la boîte (exemple : Expérience vendeur / Expérience consommateur / Offre et Pricing / Customer Care, Diversification etc.).

Leur rôle ? Donner du feedback… et retranscrire cette vision en une stratégie annuelle. Autrement dit, apporter une réponse à la question : Comment envisagez-vous de répondre à la vision proposée ? 

Leur livrable : les OKR (Objectif Key Results). Qui sont ainsi l’incarnation de la stratégie de Back Market sur l’année. “Ils indiquent comment on va fonctionner cette année et comment on va mesurer notre succès, confie Amandine. C’est ce qu’on martèle ensuite à toute la boîte, plutôt que la vision sur 3 ans qui est moins actionnable au niveau opérationnel”.

Pour l’exercice de cette année, les OKR de 2025 ont ainsi été annoncés en octobre 2024, au même moment que les budgets. On compte 3 objectifs et 2 à 3 KR par objectif, ces derniers étant sous la responsabilité d’un·e membre du Comex et de la leadership team.

3. Une stratégie n’est utile que si elle aide à la priorisation

“La grande difficulté n’est pas tant d’arriver à s’aligner que de savoir combien de temps est-ce que cela va tenir. Il faut rester humble devant les changements de marché ou de contexte”, nuance Amandine.

Pour autant, il est rare d’avoir des stratégies bigbang avec des virages radicaux chez Back Market. L’idée étant plutôt de revoir les grands équilibres de la boîte chaque année. 

Prenons un exemple. Le gros des forces sont actuellement concentrées sur la partie e-commerce, la plus connue pour celles et ceux qui ont déjà acheté un téléphone reconditionné sur la plateforme. 

À l’inverse, la partie “trade-in”, c’est-à-dire le service de revente de son ancien smartphone, n’est constituée que de deux équipes. Alors que cela représente un intéressant gisement de matériels (et donc un meilleur contrôle de l’offre) pour Back Market ainsi qu’un enjeu économique pour ses clients (qui peuvent ainsi diminuer leur facture en revendant leurs anciens modèles qui traînent dans leur placard).

“Environ 15 % de nos clients utilisent ce service pour l’heure mais on aimerait monter à 30% voire 50 % à l’avenir. Sauf qu’on n’arrivera pas à atteindre cette ambition si on reste sur cette allocation des ressources”, énumère Amandine. Ce service n’est d’ailleurs déployé que dans 5 des 18 pays dans lesquels opère Back Market.

Résultat : un des OKR globaux concerne le « trade-in ». Il convient d’accroître ses chiffres d’usage, ce qui force à faire bouger les lignes. D’une part, les deux équipes qui s’en occupent doivent accepter de lâcher du lest et le contrôle de cette partie. Tandis que les autres squads vont devoir commencer à s’en emparer.

« Bonjour, je suis nouvelle » – Source : Back Market

On touche ici un point important sur la stratégie :

“Si elle n’est pas irritante et qu’elle n’influe pas directement sur tes choix de priorisation, alors cela veut dire que tu as raté quelque chose”, assène Amandine.

Dit autrement : si tu continues à faire exactement la même chose qu’avant la nouvelle stratégie, sans faire évoluer tes prio, la stratégie est un coup d’épée dans l’eau.

C’est ainsi que l’équipe “Search & Recommandation” est devenue l’équipe “Diversification” et que celle qui s’occupait des avis passe au périmètre plus large du contenu. En ordre de marche pour la strat’ 2025.

4. Un lien naturel entre stratégie et roadmap

On l’a dit, les OKR 2025 sont annoncés courant octobre. Ce qui laisse le temps aux équipes d’ajuster leur roadmap pour le premier trimestre 2025, avec une marge de manœuvre malgré tout. “Ce n’est pas dramatique si le 1er janvier, tu n’es pas à 100% sur ton nouvel OKR. Tu ne bossais pas auparavant sur quelque chose qui n’avait aucun sens”, sourit Amandine.

Sachant que quelques semaines avant la fin de chaque trimestre, Back Market organise des “roadmap vetting”. Ces instances, gérées par Amandine et la CTO, permettent de passer en revue les initiatives qui seront déployées d’ici les prochains mois, afin de soulever les éventuelles dépendances et de rappeler les priorités de la boîte.


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