De la fumée blanche émane de la cheminée de La Product Conf (LPC) : c’est la sortie du traditionnel Baromètre LPC ! LA référence en matière de portrait de l’écosystème produit en France. L’étude qui révèle si t’as des raisons de te plaindre de ta fiche de paie à la fin du mois (entre autres).
Cette troisième édition est d’autant plus significative que le niveau de participation a explosé. 367 répondant.e.s fin 2018. 537 l’an passé. Plus de 1 100 cette fois-ci ! De quoi gagner clairement en représentativité.
Pour t’aider à interpréter ces infos, on a comparé les résultats des 3 éditions pour mesurer les évolutions dans le temps. Et on s’est (bien) fait guider par Lucas Cerdan, Product Manager chez Databricks et cofondateur de LPC, qui s’est occupé de l’analyse des données de cette édition.
Résultat ? Une mise en lumière (parfois un peu taquine, on ne se refait pas) de 7 éléments marquants qui ont retenu notre attention cette année.
Si tu veux aller plus loin, le lien du baromètre complet se trouve en bas de l’article. Juste après la grille des salaires 2021. On les a mis à la fin car on sait que c’est ce qui t’intéresse le plus.
Oui, on est aussi vils que les supermarchés qui foutent les oeufs, la Cristalline et le PQ au fond des magasins pour que tu te retrouves (à l’insu de ton plein gré) avec un paquet de fraises Tagada et la mousse au chocolat Michel et Augustin dans le caddy au passage en caisse. Sauf que nous on l’annonce d’emblée. Et que tu peux scroller si t’es pas content.e 😉
1. Paris et le désert français
En 1947, le géographe Jean-François Gravier signait “Paris et le désert français”, une bible pour la discipline. Vraisemblablement en référence au décalage qu’il anticipait déjà entre Paris et la province en termes de product management. Près de trois quart (69 %) de l’écosystème est en effet basé en Île-de-France.
Mine de rien, pas si surprenant quand on sait que la proportion est similaire pour la répartition du French Tech 120 par exemple. Et que 3/4 des répondant.e.s de l’étude bossent dans des boîtes tech (16,4 % dans des PME/Grands groupes et 6,7% dans des cabinets de conseil).
Et la fameuse vague de Parisiens migrant vers Bordeaux depuis la pandémie ? Plutôt fumeuse oui. Croissance annuelle de la proportion en Île-de-France : + 1,5 %. En Nouvelle-Aquitaine ? – 1,5 %… A noter que les Pays de la Loire tirent bien leur épingle du jeu (7,4 % de l’écosystème – +1,2 %). West Coast, LA (Loire-Atlantique) represent.
2. Une profession qui gagne en maturité
OK, super bateau ⛵ de dire ça quand on parle d’un métier en émergence. Mais quand même. Près de la moitié des Product Managers (PM) et Owners (PO) ont aujourd’hui plus de 3 ans d’expérience.
Un chiffre qui monte à 57 % pour les product designers et 64 % pour les product leaders (à noter ici que les designers leaders sont inclus dans les product leaders ce qui biaise un peu les données). La moyenne de l’ensemble des répondants est, elle, de 5,45 années d’expérience… soit près d’un an de plus que l’année précédente (4,66 années). Cohérent.
L’écosystème se féminise également progressivement : il compte 38,6 % de femmes et 58,6 % d’hommes (NDLR : et 2,8 % de non-binaires ou de personnes ne souhaitant pas répondre), contre 32,3 % / 66,6 % lors du dernier coup de sonde l’an passé. On est encore loin de la parité mais ça va dans le bon sens. Une maigre consolation quand on sait ce qui arrive derrière (cf. point 7). Pour la proportion de product leader, c’est pas encore ça par contre : moins de 30 % de femmes…
Par ailleurs, on ne retrouve plus que 7 % de personnes qui travaillent dans des orgas qui ne comptent qu’un seul profil produit en leur sein. C’était 19 % il y a 3 ans et 15,7 % l’an passé. A l’inverse, plus d’un tiers des répondant.e.s (34,5 %) sont dans des équipes produit de plus de 15 personnes, quasiment le double du sondage précédent (18,4 %).
3. La (petite) esbrouffe de l’intitulé de poste
- “Je suis CPO de ma boîte”
- “Ouah, trop la classe ! Et vous êtes combien au produit ?”
- “Euh, bah je suis tout seul”
Une situation (vécue) cocasse mais pas si anecdotique visiblement. “C’est un ressenti que j’avais et qui se confirme dans les chiffres : dans une boîte de moins de 50 personnes, le titre de product leader ne veut pas dire grand chose”, observe en effet Lucas Cerdan.
Ainsi, plus d’un tiers des head of product de l’étude… ne managent personne ! Et, en moyenne, on se retrouve avec des head of product qui managent autant de personnes (5) que des lead PM, censés être en-dessous hiérarchiquement parlant.
Explications possibles : ce titre de head of product est assez populaire et fourre-tout. Et, dans des petites boîtes, il qualifie souvent la première personne au produit qui jouit d’une expérience déjà significative. Et n’est donc pas forcément révélatrice du niveau de management.
4. PM : Tu viens d’où, tu fais quoi ?
Un petit mot rapide sur le profil et les tâches des pros du produit. Niveau formation déjà, quasi 9 sur 10 ont au moins un bac + 5. Les grands domaines d’étude sont, dans cette ordre, commerce, informatique et ingénierie (design principalement, évidemment, pour les product designers).
Les responsabilités principales des PM ? La roadmap produit, la delivery / gestion du backlog et la discovery / recherche utilisateur. Rien de très nouveau sous le soleil.
On est assez surpris par contre de ce chiffre (mais tant mieux) : 86,1 % des répondant.e.s affirment que le rôle du produit ou du design est compris par certaines personnes ou tout le monde dans la boîte. Notre pensée va droit aux 2,6 % qui indiquent que leur manager ne le comprend pas par contre. Abonnez-les au Ticket les ami.e.s 😉
Enfin, en termes de ratio, le gros des troupes de PM/PO travaillent avec 3-4 développeurs/euses dédié.e.s (36,7 %) ou 5-6 dev’ (25,4 %). Au niveau design, la proportion tend à s’équilibrer petit à petit. L’an passé, la moitié des répondant.e.s indiquaient qu’il y avait 1 designer pour 3 équipes ou plus. Un chiffre qui tombe à 38 % aujourd’hui. A l’inverse, un quart ont désormais 1 designer par équipe (contre à peine 17 % l’an passé).
5. Les entreprises rêvées des pros du produit sont…
Google et Apple. Mouais, pour l’originalité, on repassera. Surtout que c’est la 3e année consécutive pour la firme de Mountain View. Bon, il y a quand même des choses à dire ici.
Déjà, fin 2018, c’était la foire à la Silicon Valley dans le classement (Amazon, Tesla, Microsoft, Facebook…). Aujourd’hui, on retrouve 6 européens dans le Top 10 dont 5 français (BlaBlaCar ayant repris sa couronne nationale à Payfit). #FrenchTech.
Ensuite, il faut savoir que ce classement est un peu en trompe-l’oeil : la majorité écrasante des réponses ici étant… “Je n’ai pas de boîte de rêve”, nous confie Lucas Cerdan. Manque d’imagination ou le mouvement Anti-Work commence à traverser l’Atlantique ? (Désolé au passage pour la personne qui a indiqué “un monastère”, on doute que ça recrute là-bas).
Enfin, notons la percée des boîtes que l’on va appeler “à impact” (expression pas du tout galvaudée) type Too Good To Go, Yuka ou, dans une moindre mesure, Back Market voire LeBonCoin.
D’ailleurs, le 1er critère qui ferait changer d’entreprise les PM/PO/Product designer interrogé.e.s est… “Un produit qui a davantage de sens”. Devant “Un meilleur salaire” (c’est l’inverse pour les product leaders pour info). 3e critère : “Plus de maturité en produit / design dans l’organisation”.
Être mieux payé ne suffirait pas à faire changer de job, l’environnement a aussi une grande importance”, commente ainsi Lucas.
Intéressant de ce point de vue de voir que la réponse “Travailler moins / autrement” gagne 6 points par rapport à l’an passé et est exprimée par 22,7% des répondant.e.s.
Et si l’on croise les données de bonheur au travail, on se rend compte qu’on a plus de probabilité d’être heureux/euses si on est product leader dans une petite structure (tu sais, les fameux head of product qui ne managent personne).
6. Le flou relatif de l’évolution de carrière
Un des éléments qui a le plus surpris Lucas Cerdan dans l’étude ? La proportion de personnes qui n’ont pas d’idée claire sur leur évolution de carrière. 12 % chez les PM/PO, 15 % pour les leaders et 17 % pour les designers.
En cause probablement : l’absence de parcours carrière dans la boîte (pas de souci, on a prévu de traiter du sujet dans Le Ticket l’an prochain !), le manque de recul sur les évolutions possibles de ces métiers relativement nouveaux voire l’absence d’opportunités encore en tant que contributeur/trice individuel/le (en l’état, si tu veux avoir de l’impact, pas le choix : il faut manager des gens).
7. Salaires 2021 : Les chiffres de la honte
Couvrez ce tableau que je ne saurais voir. En 2021, en France, si on est un mec dans le produit, on a statistiquement plus de chance de gagner plus qu’une nana, à expérience et poste équivalent. C’est en tout cas ce que l’on constate en regardant les packages annuels bruts (bonus inclus et avant impôts) des répondant.e.s de cette édition.
“Ce qui influence le plus le salaire, c’est 1) le fait de manager plus de 3 personnes, 2) le titre du poste et 3)… être un homme !”, déplore Lucas Cerdan.
Autrement dit : le sexe est un facteur qui a plus d’importance que l’expérience sur le niveau de rémunération.
Alors, bon, on ne va pas faire semblant de jouer la surprise. Le constat était déjà le même l’an passé. Et cela n’est malheureusement pas propre au produit. Mais au lieu de lancer un coup de gueule (on a déjà fait un long dossier sur le sujet), prenons ce baromètre comme une opportunité pour faire changer les choses.
Message à répandre le plus amplement possible donc : non, le prix de marché d’un.e PM/PO de moins de 2 ans d’expérience n’est pas 30K. Mais 50% plus. Et au-delà de 6 ans d’expérience, c’est 65K. Voire 80-85K pour un poste de leadership. Le savoir est un pouvoir. Tiens, d’ailleurs, ça serait pas la période des entretiens annuels et des demandes d’augment’ en ce moment ?
Finissons par une note plus légère. Dans le questionnaire, une question demandait aux participant.e.s si ils ou elles se sentaient en-dessous, au-dessous ou niveau du marché à propos du salaire. Lucas Cerdan a croisé les réponses avec la moyenne du marché et… il s’avère que les réponses correspondent étonnamment bien à la réalité.
Autrement dit : si tu te sens en-dessous du marché, il y a une très forte chance que cela soit effectivement le cas. Et si tu estimes que tu es au-dessus… Tu as aussi beaucoup de chance de l’être en effet (rends l’argent ;D) !
Bonus – Le respect divin du Ticket envers Marty Cagan
Une dernière pour la route. Dans le Top des newsletters et blogs les plus lus, Le Ticket apparaît en 4e position. Certes, loin derrière Thiga. Mais juste aux pieds de Marty Cagan. La place du con ? Non, celle où l’on se prosterne devant Dieu. Nuance.
Pour lire l’étude complète, c’est ici.