En un an et demi, l’entreprise de vente immobilière collective est passée de 0 à 10 millions d’euros de chiffres d’affaires, sans augmenter la taille de ses équipes. Une tendance émergente rendue possible grâce à l’IA, notamment utilisée chez Zefir par les Ops. Récit dans les coulisses.

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TL;DR - Ce que tu vas apprendre dans cet article : 

  • C’est quoi cette nouvelle tendance (américaine) d’atteindre des millions de revenus avec des équipes (ultra) réduites ?
  • Chez Zefir, l’IA a élargi le champ des Ops qui peuvent développer des solutions de productivité de A à Z (sans toucher à la codebase)
  • Le cash burn multiple : le nouvel indicateur en vogue pour mesurer son efficacité

Les nouvelles startups auront-elles encore des salarié·es demain ? La question est volontairement provocatrice et n’est pas sans rappeler la prédiction de Sam Altman, pour qui la création d’une licorne d’une seule personne ne relève plus du fantasme aujourd’hui avec l’IA.

Certes, le cofondateur d’OpenAI cherche évidemment à vendre sa soupe, et son entreprise est loin d’être un modèle de frugalité (plus de 4 000 salariés et 20 milliards de dollars de levées de fonds jusqu’à présent).

Malgré tout, ces propos illustrent une tendance déjà bien visible : l’émergence de jeunes boîtes qui atteignent des revenus significatifs à une vitesse fulgurante et avec des équipes (très) réduites.

  • Lovable ? De 0 à 17 M$ d’ARR (revenus annuels récurrents) en 3 mois avec 17 personnes.
  • Bolt ? De 0 à 40 M$ d’ARR en 5 mois avec 20 personnes.
  • Cursor ? De 1 à 100 M$ d’ARR en 12 mois avec 20 personnes.

On pourrait en citer d’autres (Mercor, ElevenLabs, Aragon…). Ces données financières proviennent de la récente lettre annuelle de Stripe (forcément bien renseigné). Une célérité jamais vue selon le géant des paiements.

Source : Stripe

Le New York Times évoque aussi le cas de la startup Gamma (logiciel pour faire des présentations et des sites Web) qui cumule plus de 50 millions d’utilisateurs et des dizaines de millions d’ARR… et seulement 28 salarié·es ! 

“Si nous étions issus de la génération précédente, nous en aurions facilement 200. Mais nous avons l'opportunité de réécrire les règles du jeu”, témoigne son cofondateur Grant Lee.

Comment ? Grâce à une dizaine d'outils basés sur l’IA pour intensifier la productivité : 

  • Intercom pour la gestion de la relation clients,
  • le générateur d’images Midjourney pour le marketing,
  • Claude d’Anthropic pour l’analyse de données,
  • NotebookLM de Google pour l’analyse des recherches utilisateur,
  • Cursor pour coder plus rapidement
Source : The French Tech Journal

Less is more

Nuançons toutefois ce constat. Il est ici question de sociétés très jeunes présentes sur des secteurs sensiblement similaires. Rien ne dit qu'elles resteront de taille aussi réduite quand viendra le temps de vraiment passer à l‘échelle. Grant Lee prévoit d’ailleurs de doubler ses effectifs cette année (en embauchant, fait intéressant, des profils généralistes capables d’effectuer une plus large palette de tâches).

Enseignement de ce graphique : les petites entreprises arrivent à atteindre un ARR avec moins d’employés (FTE = full-time employee). Mais cette efficience diminue à mesure de la croissance du chiffre d’affaires. Source : Rapport du fonds d’investissement américain High Alpha

Aussi, gare aux miroirs aux alouettes. Rappelons-nous de Klarna, la solution suédoise de paiements fractionnés, qui, l’année passée, claironnait qu’une IA était capable de faire le boulot de 700 personnes au services clients (avec une part de bullsh*t derrière semble-t-il). Sans renier la poursuite de ses investissements technologiques, son PDG vient finalement d’acter le retour en force au support des humains, “plus que jamais précieux dans un monde d’IA”.

Toutefois, il est indéniable que le modèle traditionnel d’hypercroissance sous stéroïdes des startups, basé sur des chiffres ronflants de recrutements et de levées de fonds, est remis en cause aujourd’hui. Toujours plus, toujours mieux ?

“Il y a une décennie, si vous leviez une série A, on vous demandait de recruter de manière agressive. Aujourd’hui, embaucher trop rapidement est perçu comme un mauvais signal. Le nouveau symbole de statut n'est plus le nombre d'employés, mais le chiffre d'affaires par employé”, écrit le journaliste Chris O’Brien, dans la newsletter The French Tech Journal.

Source : The French Tech Journal

À l’heure où l’on peut faire un clone (très basique) de Docusign / Yousign en deux jours, l’enjeu se pose également pour les entreprises existantes. Dont la grande question aujourd’hui doit moins être “Comment puis-je ajouter de l’IA dans mon produit ?” que “Si je devais refaire de zéro mon produit aujourd’hui, est-ce que je m’y prendrais de la même manière, compte tenu des nouvelles possibilités techno ?”

Zefir, un pivot stratégique… et culturel

À cet égard, l’exemple de la startup française Zefir est riche d’enseignements. Fondée à Lille en 2020, elle lève deux ans plus tard 20 millions d’euros auprès du prestigieux fonds américain Sequoia Capital (Apple, Instagram, Google, Facebook, Airbnb…) pour étendre son modèle de ventes immobilières instantanées (ou iBuying, popularisé par l’américain Opendoor). 

Las. Hausse des taux d’intérêt, retournement du marché immobilier, débandade des proptech, dont beaucoup mettent la clé sous la porte (elle était facile). Sauve-qui-peut. Zefir passe de 90 salariés à 45 et pivote radicalement. Début 2023, elle tue son produit et en relance un nouveau, basé sur la vente collective.

Le principe ? C’est elle qui détient le mandat de vente d’un bien et fait travailler des agents locaux en simplifiant le processus, afin que ces derniers n’aient qu’à s’occuper des visites et de la conclusion de la vente. La commission étant partagée en cas de succès. La promesse : des transactions deux fois plus rapides.

Ils foncIA chez Zefir

20 mois plus tard, les résultats sont probants : de 0 à 1 milliards d’euros de transactions cumulées (soit environ 4 000 ventes), 10 M€ de chiffre d’affaires et une croissance annuelle de 3x. Pour une rentabilité escomptée cette année. Le tout, toujours avec le même nombre de salarié·es.

“On n’était pas plus rapide quand on était le double, s’étonne presque Remy Fabre, son cofondateur. Avec le scaling rapide, on a perdu en vélocité, en facilité de communication et en qualité de talents, sans avoir forcément une meilleure expérience client”.

Un témoignage qui rappelle celui, à une toute autre échelle de bureaucratie, de Brian Chesky, le cofondateur de Airbnb (cf notre article sur le “Founder Mode”).

L’IA, le nouvel outil des Ops

La recette de ce modèle frugal chez Zefir tient dans un triptyque : automatisation, self-service et intelligence artificielle. “Sans l’IA, c’est sûr qu’on aurait dû être plus nombreux”, témoigne Remy. Voyons concrètement les leviers activés par la startup parisienne.

D’une part, le produit en soi cherche à numériser les opérations qui se déroulent encore en physique dans l’immobilier, notamment grâce à l’IA. Rédaction du texte d’une annonce, amélioration des photos du bien, multidiffusion, qualification des acheteurs, automatisation de la prise de note d’un agent lors d’une visite, édition du compte-rendu… mais également le développement d’agents IA vocaux pour planifier une visite ou répondre à des questions sur un bien voire effectuer des recommandations personnalisées.

Le but : déléguer à l’IA toutes les tâches à faible valeur ajoutée des agents immobiliers.

Exemple de flow chez Zefir

“On leur propose de vendre dix fois plus pour gagner deux fois plus en ne se concentrant que sur la partie la plus intéressante : l’accompagnement en changement de vie, les visites et le closing”, assure Remy.

D’autre part, Zefir a drastiquement augmenté sa productivité en interne. Illustration avec les account managers qui s’occupaient, à l’origine, de 10 vendeurs par personne. Un an et demi plus tard, ce chiffre est passé à 150… et l’ambition est d’arriver au double d’ici les prochains mois !

Comment ? Grâce au travail d’optimisation minutieux de leur workflow effectué (étonnement) non pas par l'équipe Produit et Tech mais… par les 4 Operations Managers de l’équipe. Alors que la notion de “Ops” est souvent fourre-tout dans les organisations, chez Zefir, ce poste a pris une nouvelle dimension, qu’on pourrait presque qualifier de “Product Builder”.

La codebase, chasse gardée du produit et de la tech

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