Après des expériences au produit chez la néo banque N26, le e-commerçant Zalando ou la messagerie professionnelle Intercom, Enzo Avigo a lancé en août 2020 June.so, une plateforme d’analytique produit qui a été sélectionnée par le prestigieux incubateur américain Y Combinator en 2021. Elle compte plusieurs centaines de clients… et est purement PLG ! Il nous révèle l’envers du décor.

⏳ 15 minutes de lecture en PL June

Bienvenue dans l'épisode 7 / 12 du guide Bâtir une organisation Product-led Growth (PLG)

Parole, parole, parole… Place aux actes désormais ! Montrons comment des équipes non seulement parlent de PLG mais surtout l’expérimentent concrètement. Comment “les bottines suivent les babines”, pour inclure un peu de Québec dans ce Roadbook.

Comme on a (très) largement dépassé notre quota de références américaines dans ce guide, on a décidé de se pencher sur des cas issus exclusivement de l’écosystème. Une vision moins idéaliste et intimidante dans laquelle il est en effet plus facile de se projeter.

Voici donc quelques témoignages qui abordent des réalités diverses: startups qui se lancent en PLG ou entreprises établies en pleine transition, boîtes à différents niveaux de maturité PLG, personnes qui sont en pleine découverte du sujet ou qui ont déjà des années de recul…

L’objectif de ce chapitre, c’est de brosser différents cas de figure afin que tu puisses t’apparenter à celui qui ressemble le plus à ta situation. Et, surtout, toucher du doigt la complexité réelle de la PLG qu’on ne soupçonne pas toujours en ne se contentant que de la littérature.

On commence avec Enzo Avigo.

Bonjour Enzo. Pourquoi avoir opté pour une stratégie en Product-led Growth dès le lancement de June ?

Enzo Avigo : Il y a plusieurs raisons. Déjà, avec mon associé, on était certes dans une entreprise, Intercom, qui n’était pas PLG, mais on voyait autour de nous tout un écosystème qui était en train d’exploser grâce à un moteur PLG : Coda, Notion, Miro, Figma etc. Quand tu regardes la vitesse à laquelle se sont développées ces boîtes et que tu utilises leur produit, tu te rends compte qu’il y a vraiment quelque chose de différent dans leur ADN. C’était clairement une inspiration.

Ensuite, on vient du produit donc cela nous semblait naturel de prendre cette voie. D’autant que mon associé a 25 ans. Il a donc ce biais générationnel de l’expérience utilisateur. Il a halluciné par exemple quand je lui ai montré JIRA. Il ne m’a pas cru quand je lui ai dit que c’était l’outil le plus utilisé au monde pour faire des tickets !

Enfin, au moment où l’on a creusé notre idée de boîte, on avait une vision forte : rendre l’analytique accessible à tout le monde. Ce qui est très compatible avec une philosophie PLG.

C’est-à-dire ?

E.A. : Et bien cela sous-entend un produit en libre service, dans lequel la valeur arrive très vite avant que les utilisateurs n’aient à payer. Sachant que nos cibles, les Product Managers, ont l'habitude d’utiliser des services en ligne. Cela aurait été plus difficile si l’on s’adressait à des hôtels ou des restaurants par exemple, qui ne sont pas branchés à longueur de journée et qu’il faut généralement démarcher en personne ou au téléphone.

On a fait ce pari dès le début non seulement parce que c’est une manière d’avoir un faible coût d’acquisition mais aussi et surtout parce que c’est une façon de tenir une promesse vis-à-vis de l’utilisateur : notre produit est tellement simple et intuitif que tu vas pouvoir l’utiliser sans aide.

Alors que dans notre secteur, tu es généralement obligé de parler à un commercial ou de lire un long livre blanc avant de prendre la pleine mesure du produit. Pour le dire autrement, cela faisait clairement partie de la stratégie pour se différencier.

Enzo Avigo, le fondateur de June, solution de product analytics

Pour entrer dans les détails, comment est-ce que cela se concrétise chez June ?

E.A. : Je vais répondre en commençant volontairement par notre organisation plutôt que par le produit en lui-même. Une manière de t’obliger à avoir cette stratégie, c’est ton recrutement. Quel est l’arbitrage que tu fais dans tes ressources pour soutenir cette stratégie ?

Par exemple, vaut-il mieux mettre 40K € sur une personne au service client ou 80K € sur un·e ingé qui va mettre deux semaines à “productiser” un problème qui revient souvent chez tes utilisateurs ? Chez June, il y a 7 personnes et tout le monde est au produit (4 product engineers, un designer et nous en tant que PM). C’est en soi un message fort.

Le jour où l’on va recruter une personne aux ventes, je suis sûr qu’il va y avoir un basculement psychologique. La priorisation du backlog va forcément devoir prendre en compte une fonctionnalité à ajouter pour faire signer tel ou tel client.

Tu enclenches alors une dynamique Sales… Et tous les gens qui basculent dans cette voie disent qu’ils ne l’ont pas vu venir. Nous, notre garde-fou, c’est ainsi notre recrutement. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne recrutera jamais de Sales.

Quand tu regardes, il y a beaucoup d’entreprises hybrides qui ont la motion PLG en parallèle avec une composante commerciale, comme Hubspot. En fait, la raison pour laquelle il est si dur de ne pas abandonner la PLG en cours de route, c’est qu’il est beaucoup plus rapide de monter un département Sales et de faire du cash que de créer un bon produit !

Regarde Notion ou Figma, ils ont mis plusieurs années avant de lancer leur produit. Il faut être acharné. Tout le monde veut faire de la PLG en théorie mais en vrai, une fois que tu signes deux ou trois entreprises, tes investisseurs vont te dire : “Arrête de galérer à convertir 10 comptes à 50 $ alors qu’un commercial va t’apporter 10 000 $ par mois”. Cela paraît plus simple en effet !

“La raison pour laquelle il est si dur de ne pas abandonner la PLG en cours de route, c’est qu’il est beaucoup plus rapide de monter un département Sales et de faire du cash que de créer un bon produit !”

Justement, qu’en pensent tes investisseurs, surtout dans cette période où l’accent est plus mis sur la rentabilité que l’expansion ?

E.A. : C’est sûr que la notion de retour sur investissement est plus importante depuis le début de l’année 2022. Nous, on est typiquement occupés à générer du chiffre d’affaires, alors que si on avait commencé June, disons il y a 4 ans, on aurait peut-être misé sur la croissance à tout prix.

Aux yeux de nos investisseurs, l’important est le multiple entre ce que tu dépenses et ce qui rentre. En PLG, quand il est compris entre 3 et 4, cela reste sain. Ils comprennent que tu ne fais pas rien avec l’argent qu’ils t’ont donné mais que tu ne brûles pas comme un fou non plus.

Un dernier mot à ce sujet. Si l’on comprend bien le mécanisme, tu es obligé d’avoir suffisamment de fonds au début d’une boîte en PLG pour investir dans ton produit, en acceptant de ne pas avoir des rentrées significatives. Tu confirmes ?

E.A. : En fait, pour résumer, tu as une corrélation entre le segment de marché que tu vas chercher et le temps que tu mets à monétiser. Plus tu commences par des petites boîtes en bottom-up, plus tu vas mettre du temps à faire du chiffre. Cela va évidemment plus vite si tu vises des gros clients, tu peux même vendre du service pour eux au début.

Conséquence : quand tu pars en PLG, il faut d’emblée se dire combien de temps tu vas mettre à lancer ton produit sur le marché. À partir de ce scénario de départ, tu construis tes projections et tu t’alignes avec tes investisseurs sur cette stratégie pour ne pas en changer en cours de route. Si tu fais bien ton taf, ta courbe de résultats sera plus tardive qu’en Sales-led mais plus belle, en comparaison avec celle de tes coûts.

Les coûts, qui sont constitués essentiellement des équipes tech et produit au démarrage…

E.A. : Oui. Cela t'amène d’ailleurs à mesurer combien te rapporte ton équipe produit au sens large, ce qui n’est pas du tout un calcul normal d’habitude. Généralement, tu as ce raisonnement avec une équipe marketing et Sales.

Nous, c’est une question que l’on se pose : combien on peut espérer générer en plus si on recrute une personne supplémentaire au produit ?

Cela veut-il dire que vous les objectivez aux résultats ?

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