Un nouvel organisme vient de voir le jour dans l’écosystème produit : la Positive Product Foundation. Interview de deux membres du board de ce fonds de dotation dédié au produit responsable et engagé : Cécile Dubouis, directrice produit d’OpenClassrooms, et Benoît Rosier, cofondateur du cabinet Hubvisory.

⌛ 4 min de lecture pour poser les fondations

D’où vient l’idée de la Positive Product Foundation ?

Benoît Rosier : Personnellement, j’ai eu plusieurs prises de conscience dans mon parcours qui m’ont amené à cette initiative.

La première, en tant que Product Manager chez Air Liquide, il y a une dizaine d’années. On travaillait sur une appli pour aider des patients atteints d’apnée du sommeil et l’un des utilisateurs m’avait dit “vous avez changé ma vie !”. Je me suis rendu compte à quel point la tech pouvait avoir un impact positif sur la vie des gens.

Quelques années plus tard, j’ai fait une conf’ sur l’accessibilité lors de l’événement design UX Flupa Days. La salle était comble. Quelques jours plus tard, j’ai donné la même présentation lors d’un événement produit. Il n’y avait que 3 ou 4 personnes ! J’ai réalisé alors à quel point il y avait un vrai manque de sensibilisation alors qu’on joue un rôle clé sur ces sujets.

D’où l’idée de promouvoir le produit responsable à plus grande échelle, en commençant par rassembler des personnes motivées. En l’occurrence les membres du board de la Positive Product Foundation, dont fait partie Cécile.

Les 6 membres du board de la Positive Product Foundation : Kat Borlongan (ex directrice de la French Tech et Chief Impact Officer de Contentsquare), Lucie Buisson (Chief Product Officer de Contentsquare), Fabrice des Mazery (ex CPO de Deezer, Thiga ou The Fork), Paul Duan (fondateur de Bayes Impact), Cécile Dubouis (directrice produit d’OpenClassrooms) et Benoît Rosier (cofondateur d’Hubvisory)

Pourquoi avoir rejoint l’aventure de la Positive Product Foundation Cécile ?

Cécile Dubouis : Déjà, ce sujet me parle tout particulièrement en tant que directrice produit d’OpenClassrooms, une société B-corp dont la mission est de rendre l’éducation accessible.

Par ailleurs, comme Benoît, j’ai eu un événement marquant dans ma carrière qui m’a ouvert les yeux. À l’époque où j’étais Chief Product Officer de la plateforme d’e-commerce Prestashop, j’avais été invitée par Google à un leadership Summit en compagnie des plus grandes solutions d’e-commerce au monde (WordPress, Shopify…).

On pouvait choisir un thème libre sur lequel travailler ensemble et j’avais proposé un sujet autour des actions à mettre en place pour rendre les achats plus responsables. L’assemblée semblait emballée mais, au moment des délibérations, il n’y a eu qu’un vote pour ce sujet : le mien !

Et on a finalement discuté de thèmes comme la mise en place d’abonnements pour ne plus avoir de Google Ads. Bref, ce fut ma plus grande déception professionnelle. Je ne pouvais pas être plus au cœur de la décision et j’ai réalisé que si cela ne pouvait pas bouger à ce niveau, il fallait que cela vienne d’en-dessous.

Cécile et Benoît, lors de l’événement de lancement de la Positive Product Foundation, le 3 avril dans les locaux d’OpenClassrooms

Concrètement, quelles sont et seront les actions de la Positive Product Foundation ?

Benoît Rosier : L’ambition de la Positive Product Foundation est de devenir la référence du produit responsable et de sensibiliser un maximum de personnes sur le sujet.

À court terme, on travaille sur trois axes.

  • La partie communautaire

Pour fédérer l’ensemble des personnes qui souhaitent s’engager sur ces enjeux, nous avons créé un groupe Slack dédié, ouvert gratuitement à tout le monde.

  • La fresque du produit responsable

Nous avons conçu, avec une vingtaine de personnes et sous licence Creative Commons, cet atelier de sensibilisation et de prise de conscience aux enjeux sociaux et environnementaux du Product Management. Plus de 250 personnes ont été formées à ce jour et l’objectif, c’est d’arriver à former des animateurs et animatrices afin de faire effet boule de neige partout en France.

Un ensemble de ressources et d’outils concrets et opérationnels dédiés aux Product Managers pour concevoir des produits plus accessibles, éthiques, durables et engagés.

Puis, à moyen terme, nous envisageons de mettre l’accent sur le volet promotion, par le biais de contenus vidéos ou d’une newsletter. Sans oublier la partie formation : l’enjeu étant de créer une plateforme éducative mise à disposition de l’écosystème.

En bon Product, vous êtes-vous fixé des objectifs chiffrés ?

Benoît Rosier : Notre objectif est d’avoir un maximum de personnes sensibilisées à ces enjeux. Ce qui se traduit d’une part par le nombre de personnes dans la communauté et, d’autre part, par le nombre de personnes formées à la fresque.

Talk lors du lancement de la Positive Product Foundation avec Amélien Delahaie (PM & Accessibility Lead de Canal +), Marie Briat (CPO de la Riche qui dit oui) et Capucine Borghese (CPO de Lunii), animé par Hélène Gloux (DG de la Positive Product Foundation)

Quelles notions incluez-vous derrière ce terme de “produit positif” ?

Benoît Rosier : Pour nous, un produit positif recouvre deux aspects : 

  • le produit responsable, dans lequel on retrouve les notions d’accessibilité et d’éco-conception
  • le produit engagé, où tu essaies de concevoir un produit qui a un impact positif sur la société

Nous, aujourd’hui, on se positionne plutôt sur la partie responsabilité mais on ne se ferme pas la porte, demain, pour essayer de couvrir l’ensemble du spectre.

Cécile Dubouis : Parler de produit responsable revêt parfois une dimension un peu culpabilisante. Le mot “positif” s’avère plus engageant. D’autant que, bien souvent, cela se traduit par un impact business lui aussi positif. C’est dans l’intérêt de tout le monde de faire cela.

Si des personnes veulent aider la Positive Product Foundation, quels sont vos besoins ?

Benoît Rosier : Il y en a trois principaux.

  • Des moyens financiers

La Positive Product Foundation est un fonds de dotation. Avec Hubvisory, nous avons fait un don annuel de 30 000 euros et nous aimerions inciter d’autres acteurs à rejoindre l’aventure, afin de pouvoir financer et développer nos activités, notamment en rémunérant les dirigeants, Hélène Gloux et Simon Barelle, qui sont actuellement bénévoles.

  • Des cerveaux

Nous faisons des fresques, nous bâtissons de la connaissance… autrement dit, plus nous aurons de personnes engagées dans le projet, plus nous pourrons mener des actions d’envergure.

  • Du savoir

Il existe beaucoup de producteur de connaissances en France. J’espère qu’on arrivera à en embarquer un maximum pour sensibiliser les Product sur ces enjeux. Par exemple, j’ai fait une formation sur l’accessibilité que j’ai rendu gratuite.

À votre avis, pourquoi ce sujet est-il aussi peu répandu dans l’écosystème produit ?

Cécile Dubouis : Le côté idéaliste du produit responsable était en train de changer ces dernières années mais la crise budgétaire et l’urgence business ont mis un coup de frein à ce changement des mentalités. C’est souvent vu comme un bonus alors que cela peut tout à fait être un générateur de business.

Benoît Rosier : N’oublions pas “l’effet témoin” non plus. Plus il y a de personnes et plus la responsabilité est diluée. Qui est aujourd’hui responsable de construire des produits responsables ? La direction ? La loi ? Les designers ? Les dev’ ? Nous, on cherche à ce que les Product Managers prennent la responsabilité de ce sujet.


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