La Product Manager Madeline Plard vient de lire « No Rules Rules » de Reed Hastings, le cofondateur de Netflix et de la professeur Erin Meyer. Voici, pour la communauté du Ticket, sa fiche de lecture.
L’auteur (et l’auteure) : Le boss Reed Hastings VS la prof’ Erin Meyer
Reed Hastings a commencé l’aventure Netflix en envoyant des DVD par la poste à des cinéphiles. Les dernières données du CNC montrent que la plateforme de streaming a trouvé sa place chez la moitié des français. Alors oui, il peut se permettre de donner quelques conseils sur la réussite.
Il le fait très bien dans No rules rules. Bien aidé par Erin Meyer, une auteure américaine, professeure en management interculturel, qui était pourtant très sceptique sur la culture d’entreprise au départ. Quand Reed Hastings lui a proposé d’enquêter et de parler à autant de salariés qu’elle le souhaitait, partout dans le monde, elle n’a pas hésité une seconde. Et au final, elle est la meilleure promotrice du management façon Netflix.
Le livre « No rules rules » – La recette Netflix : talent, franchise & liberté
1. Netflix, une équipe de sport de haut niveau
Dans le sport de haut niveau, on retrouve les meilleurs joueurs. En équipe, ils ont d’excellentes relations, ils sont soudés, jouent collectif, font la fête. Mais le jour où l’un d’eux n’excelle plus à son poste, il est remplacé.
Si je choisis de commencer avec cette métaphore que propose Reed Hastings pour parler de l’équipe Netflix, c’est parce que tout ce que suggère le PDG dans les 300 pages qui suivent dépend du fait que l’entreprise soit composée d’une « haute densité de talent ».
Netflix ne recherche pas des employés dans la moyenne. Netflix recherche des stars et les paye au-dessus du marché. Le jour où ces étoiles ne brillent plus aussi intensément, elles sont remerciées. Avec un très gros chèque.
Il faut être capable de renvoyer un bon employé, quand on pense pouvoir en trouver un génial – Reed Hastings.
C’est un système qui peut paraître dur, anti-social, surtout pour nous autres Français. Il n’est, en outre, pas vraiment applicable au regard du droit du travail français. Mais la philosophie est claire et assumée. On ne postule pas chez Netflix pour la sécurité de l’emploi, mais pour réaliser des choses extraordinaires, au sens littéral du terme.
2. Des feedbacks à 360 degrés : seule la franchise nous fait progresser
Ah, la culture de la franchise. Je crois que c’est ma partie préférée du livre. Détaillons ça avec quelques mises en situation (que l’on a tous vécues !).
Première situation
En réunion, notre n+1 prend une décision que l’on ne comprend pas. On pense qu’il va se planter. Mais on n’ose pas prendre la parole pour le contredire. Pour ne pas se faire remarquer, par peur de dire quelque chose de stupide, par peur de la hiérarchie. C’est le boss quand même.
Chez Netflix, il y a plusieurs devises, dont celle-ci : « N’essaie pas de plaire à ton boss ».
Je t’ai embauché pour tes opinions. Le jour où tu garderas pour toi tes commentaires parce que tu crains pour ta popularité, alors il faudra quitter Netflix – Ted Sarandos, directeur des contenus chez Netflix
Un employé, qui dit lui-même qu’il n’est « personne » chez Netflix, raconte une anecdote. En 2015, Reed Hastings et son chef direct étaient contre le fait d’investir dans la fonctionnalité de téléchargements de contenu. Ils pensaient que ça n’intéresseraient que 1 % des utilisateurs et qu’avec la 4G qui couvre de plus en plus le monde entier, cela ne servait à rien et n’était pas du tout un pari d’avenir.
Cet employé, convaincu du contraire, a tout de même décidé de mener plusieurs entretiens utilisateurs avec des personnes qui utilisaient YouTube et une plateforme de streaming allemande. Il est apparu que c’est plutôt 20 % de personnes qui profitaient du service.
Un homme racontait que sa connexion à la maison était mauvaise, et qu’il téléchargeait au boulot pour pouvoir regarder ses séries le soir. Un autre prenait des transports en commun tous les jours, dans lesquels le réseau était capricieux : le téléchargement de vidéos lui était bien utile. Finalement, le besoin était réel. Et Netflix a proposé les téléchargements en 2016.
Ailleurs, deux de vos chefs vous auraient dit non, vous n’y seriez pas allé. Vous ne l’auriez sûrement pas tenté. Parce que si on se plante, c’est le drame. D’ailleurs, que se serait-il passé en cas d’échec chez Netflix ? On lui aurait simplement demandé de faire un memo pour raconter ce qu’il a appris de ce raté et Reed Hastings aurait dit « Next ».
Deuxième situation
Lors d’une réunion, un collègue parle d’un projet sur lequel il travaille. On n’est pas d’accord avec sa vision, mais on ne veut pas le vexer. Dès la fin de la réunion, on va critiquer son projet avec un autre collègue, qui est d’accord aussi, mais qui n’a rien dit non plus.
Une autre devise Netflix :
« Quand vous parlez de quelqu’un, ne dites rien que vous ne pourriez pas lui dire en face ».
Erin Meyer a aussi fait les frais de cette franchise très tôt. Lors d’un atelier qu’elle menait avec des employés internationaux de Netflix, une femme lui a dit devant tout le monde qu’elle ne devrait pas proposer de lever la main pour prendre la parole car peu de cultures fonctionnent ainsi. Et qu’il se trouve que seuls les Américains parlent au final.
Elle a d’abord été déconcertée. Elle était la spécialiste du management interculturel, et elle ne s’était pas rendu compte que sa façon d’opérer allait à l’encontre de ce qu’elle prône. Et, en plus, on lui fait remarquer devant plusieurs personnes. Mais consciente que son interlocutrice avait raison, la professeure a immédiatement revu sa copie, et le reste de l’atelier s’est déroulé à merveille. Tout le monde a participé.
Troisième situation
Vous êtes en entretien individuel avec votre n+1. Il vous parle de vos points forts et de vos points faibles. C’est son avis. C’est un échange unidirectionnel. Vous signez le compte rendu et rendez-vous dans 6 mois.
Chez Netflix, pas d’entretiens individuels. Les managers leur préfèrent des réunions « à 360 degrés », pendant lesquelles chaque membre de l’équipe peut exprimer des critiques constructives à ses collègues. Il y a consensus : c’est parfois brutal, mais il n’y a rien de mieux pour progresser.
Le livre est truffé d’histoires de ce type. Une Française, as de la communication et qui travaille dans les bureaux d’Amsterdam, raconte ainsi son expérience. Lors d’une de ces réunions, tous ses collègues, tour à tour, lui ont dit qu’elle mettait beaucoup trop de temps à en arriver au fait dans sa communication écrite, qu’elle perdait ses lecteurs avec trop d’enrobage.
Elle n’avait jamais remis en question ses compétences en la matière. Elle n’avait pas pensé que sa manière de faire était typiquement française mais pas adaptée à des Américains. Depuis, elle manie les deux à la perfection en fonction du contexte.
Tout le monde joue le jeu, particulièrement les dirigeants. Plusieurs d’entre eux lisent régulièrement à leur équipe les retours qu’ils ont reçus de leurs pairs ou de leur équipe. Mais cette critique constructive obéit finalement à une règle : celle des 4 A. Elle doit :
- Aider,
- être Applicable,
- être Appréciée par celui qui la reçoit,
- et Acceptée (ou refusée)
3. « Agissez au mieux des intérêts de Netflix » : la fin des règles !
Au collège, si un élève est pris en train de tricher à l’aide d’une antisèche dans sa trousse, il y a fort à parier que le professeur demande à tous de ranger leurs affaires dans le cartable et de ne laisser qu’un stylo sur la table. Et que cette décision fasse jurisprudence. Pour la faute d’un seul, on met une règle à tout le monde pour éviter que cela se reproduise.
Netflix ne fonctionne pas comme ça. Si le collège avait été cette entreprise privée, l’enfant aurait été renvoyé sur le champ et les autres auraient pu continué leur examen tranquillement. C’est la troisième étape de la philosophie de Reed Hastings. Une fois que l’on a une haute densité de talents, que la franchise fait loi, on peut s’affranchir des règles. En gros, ça ressemble à quoi ?
- Pas de limitation dans les congés
Toutes les objections que vous pourriez avoir à ce sujet ? Reed Hastings les a eues. Il en a même fait des cauchemars. Au final, personne ne prend spécialement plus de congés qu’avant. La différence ? La liberté.
- Pas de validation en cascade
Vous souhaitez acheter ce documentaire pour 3 millions de dollars, un prix inédit pour un contenu de ce type ? Faites le, si vous pensez que c’est « le bon ». Une devise (oui, encore une), c’est « Plus de contexte et moins de contrainte ». Votre n+1 ne décidera jamais pour vous. Vous êtes là parce qu’on vous fait confiance, parce que vous êtes le meilleur, alors décidez.
Netflix traite ses employés en adultes capables de gérer des informations difficiles et j’adore ça. Rob Caruso, vice-président des services numériques.
- Pas de notes de frais
Vous avez une présentation importante à l’autre bout des États-Unis demain matin ? C’est mieux de voyager en business pour vous reposer. On ne vous le reprochera pas. Vous décidez.
La consigne « Agissez au mieux des intérêts de Netflix ».
Mon avis personnel : Le rêve américain, celui qu’on aime
Quand j’ai lu Creativity, du fondateur de Pixar, je m’étais déjà fait une réflexion. J’adhère, je suis fascinée, mais si on n’est pas Américain, ce n’est pas forcément évident à comprendre. Encore moins à adapter.
Avec No Rules rules, le ressenti est un cran au dessus. Et il n’en est pas moins fascinant. Une entreprise où tout est basé sur la confiance, qui innove et qui excelle, qui s’affranchit de toutes les lourdeurs et procédures qui sont nos fardeaux quotidiens.
S’il sera compliqué de cocher toutes les cases, il y a largement de quoi s’inspirer. Notamment sur la franchise, facile à mettre en place, et essentielle pour tirer une équipe vers le haut.
Pour aller plus loin :
- We are Netflix – Podcast.
- Creativity, d’Ed Catmull. Si vous avez aimé No rules rules, Creativity aborde les mêmes thèmes, et se dévore avec encore plus de plaisir.
- Ca ne marchera jamais, le livre de l’autre cofondateur de Netflix, Marc Randolph.
Le livre : Infos pratiques
Titre : No Rules Rules
Auteure : Reed Hastings et Erin Meyer
Langue : Anglais
Date de sortie : Septembre 2020
Volume : 320 pages
(En cliquant sur la couverture, vous arriverez sur la page de l’éditeur. Et non chez qui vous savez… déso Jeff)
A propos de Madeline Plard
Salut, je suis Madeline, j’ai 30 ans et je vis à Tours. J’ai barboté entre le journalisme, la Slovaquie, le développement informatique, pour trouver THE truc qui me botte : le Product management. Enfin, je suis en apprentissage pour le moment, on ne s’emballe pas.
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