La Product Manager Madeline Plard vient de lire « Nudge » de l’économiste américain Richard Thaler. Voici, pour la communauté du Ticket, sa fiche de lecture.

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Les auteurs : Richard Thaler et Cass Sunstein

Ils ont tous deux de beaux parcours universitaires. Richard Thaler, c’est l’économiste, Cass Sunstein, le juriste. Mais si ces deux professeurs d’université américains, sont connus, c’est grâce à leur révolution sur la finance comportementale. Kesako ?

C’est un peu l’histoire de “Quand l’économie rencontre la psychologie”. Une sacré histoire, qui leur a valu un prix Nobel d’économie en 2017 (plutôt une belle récompense).

Pourquoi le Nobel ? Parce que Nudge met son analyse au service du bien. Il vise à influencer nos comportements, mais dans notre propre intérêt.

Cass Sunstein et Richard Thaler

Ils ont écrit le livre en 2007, et l’ont réedité en 2008 après la crise des subprimes pour ajouter un Post Scriptum. Et pour l’anecdote, Richard Thaler a fait un caméo dans le film d’Adam McKay The Big Short (le casse du siècle). Il joue son propre rôle et donne la réplique à… Selena Gomez. Voyez plutôt (à partir de 3’34)

https://youtu.be/A25EUhZGBws

Le livre « Nudge » ou comment inspirer la bonne décision visée

1. Petits changements, grande influence

Vous connaissez l’histoire de la mouche collée dans les urinoirs de l’aéroport d’Amsterdam-Schipol ? Sûrement. Si on tape “Nudge” dans son module de recherche, il y a 100% de chance que l’on tombe sur cet exemple qui nous vient des années 90.

La mouche des urinoirs, source d'économies en frais d'entretien

En même temps, l’exemple est édifiant et marque les esprits. Les dépenses d’entretien des toilettes de l’aéroport ont baissé de 80% grâce à cette « cible », qui a encouragé instinctivement les hommes à ajuster le tir, réduisant ainsi les éclaboussures.

C’est l’illustration du “paternalisme libertarien”, dont se revendique les auteurs : on incite, sans contraindre, à prendre la meilleure décision.

Les gens doivent être libres de faire ce qu’ils veulent, et de changer d’avis. […] Mais nous avons la conviction qu’il est légitime d’influencer le comportement des gens afin de les aider à vivre plus longtemps, mieux, et en meilleure santé.

On comprend mieux le Prix Nobel, tout de suite. Le livre a pour vocation de conseiller les gouvernements sur les politiques publiques et la législation à adopter, dans ce but précis.

Mais il n’en est pas moins pertinent pour les entreprises et les product managers, car il permet de comprendre comment fonctionnent nos utilisateurs/clients/prospects et comment les guider.

2. La force de la suggestion alliée au pouvoir du statut quo

Les biais cognitifs, on les retrouve partout. Ils sont une mine d’or pour comprendre le fonctionnement humain. Intéressons-nous ici au biais du statut quo. Autrement dit, un biais qui dit qu’on n’aime pas le changement. Du moins, on ne le provoque que rarement.

Qu’est ce que cela nous apprend ? Que l’option par défaut est à chérir.

En France, par exemple, on est donneurs d’organes par défaut, après notre mort. Si on est contre, il faut se manifester sur le registre national des refus. Ou encore, quand on achète un nouveau smartphone, peu d’entre nous vont modifier ses paramètres par défaut.

L’option par défaut suggère que c’est le comportement normal à adopter. Si en plus, on souligne que 80% des gens ont choisi cette option, vous pouvez parier qu’elle sera sélectionnée. On a tendance à faire comme les autres, on n’y peut rien.

A manier avec précaution cependant, car cette pratique peut parfois s’apparenter à de l’arnaque, et être vécue comme telle par les utilisateurs. L’exemple des options gratuites souscrites par défaut et qui deviennent payantes, à moins que l’on résilie, est un cas fréquent. Exemple avec SFR, qui avait tenté le diable avec ses clients.

Pour aller plus loin dans le pouvoir de la suggestion, une enquête, réalisée sur plus de 40 000 personnes, a montré que le simple fait de suggérer quelque chose modifiait le comportement.

Cette question : “Avez vous l’intention d’acheter une voiture dans les 6 prochains mois ?” posée aux sondés, a permis d’augmenter le taux d’achat de 35 %.

3. Pensez au Système 1 de votre utilisateur !

Dans chaque livre que je lis, Daniel Kahneman et son fameux Système 1, Système 2 sont cités et loués. Nudge ne fait pas exception. Il parle le de notre Système 1, rapide, intuitif et émotionnel (notre Homer Simpson), et du deuxième : lent, réfléchi et logique (notre Spock dans Star Trek).

Il est très important de respecter la compatibilité stimulus-réponse (fallait le placer celui-là). En gros, si on vous présente un gros panneau octogonal de couleur rouge où il est écrit GO dessus, vous allez bugger.

Les décisions que vous influencez sont prises par de simples mortels, confrontés à des choix et des signaux. […] Votre architecture devra refléter une solide connaissance de la façon dont ils se comportent.

Pourtant, de nombreux produits sont “mal” conçus. Thaler et Sunstein cite l’exemple repris du livre de Don Norman, Le design des objets du quotidien : les plaques de cuisson à quatre feux.

4. Les produits qui ont tout compris

A contrario, certains produits sont malins et facilitent la vie et le choix de leurs utilisateurs, notamment grâce à des retours d’informations et des informations simples. Les auteurs en proposent quelques-uns :

  • Une entreprise a créé une peinture blanche qui est rose, le temps de sécher. Cela permet de voir où on est passé et de ne plus se casser la tête.

 

  • Dans certains stations-service, les embouts des pompes ont des tailles différentes. Ainsi, l’embout du diesel est trop large pour entrer dans un réservoir d’essence.

 

  • Une idée des auteurs : un application sportive qui, plutôt que d’écrire un nombre de calories éliminées pendant l’effort, affiche des images qui correspondent à ces calories : un éclair au chocolat, une pizza (il faut déjà pédaler longtemps)

 

  • Google qui ouvre une pop-up quand “pièce-jointe” est écrit dans le mail mais qu’aucun fichier n’a été joint au mail.

 

  • Les banques en ligne qui expliquent les niveaux d’investissement ainsi : risque faible, modéré, élevé. Plutôt que de perdre ses utilisateurs avec des termes financiers.

A l’instar de Décathlon par exemple, qui range ses produits par niveau : débutant, intermédiaire, avancé ou pratique : occasionnelle, fréquente… On peut ne rien y connaître au sport, on sait quel produit nous correspond.

Mon avis personnel : Le côté lumineux et obscur du Nudge

Je ne pensais pas lire un bouquin d’un prix Nobel d’économie un jour. Et pourtant. Ce qui fait sa force je trouve, c’est que les auteurs donnent beaucoup d’exemples concrets, qui illustrent parfaitement leur argumentation.

A priori, ce n’est pas un livre de product management. Il cible les pouvoirs publics, plus que les PM. Il parle des retraites, de santé, d’écologie, d’épargne. Et l’unique but de leur méthode est que les citoyens adoptent de meilleurs comportements pour eux-même et la société. Mais la philosophie est universelle, et il suffit de la transposer à son produit.

Car ce livre aide à comprendre comment nos utilisateurs fonctionnent, comment les aider mais aussi les amener à faire le choix qu’on veut.

En gros, le nudge, c’est la Force. Libre à chacun d’utiliser son côté obscur ou son côté Skywalker.

Le rôle du product manager, c’est de sortir le meilleur produit, au croisement des besoins de l’utilisateur et des objectifs de l’entreprise. Donc pour moi, ça colle.

Pour aller plus loin :

  • Système 1, Sytème 2, de Daniel Kahneman. J’ai l’impression que je ne peux pas lire un bouquin sans qu’on me parle de lui. C’est mérité.

 

  • Une brève histoire du Nudge :
https://youtu.be/i-SVxDlBgXY

Le livre : Infos pratiques

Titre : Nudge

Auteure : Richard Thaler et Cass Sunstein

Langue : Français / Anglais

Date de sortie : Mars 2010

Volume : 288 pages

Nudge ; la méthode douce pour inspirer la bonne décision - Richard H.  Thaler, Cass R. Sunstein - Vuibert - Grand format - La Librerit Carouge

(En cliquant sur la couverture, vous arriverez sur la page de l’éditeur. Et non chez qui vous savez… déso Jeff)



A propos de Madeline Plard

Madeline Plard

Salut, je suis Madeline, j’ai 30 ans et je vis à Tours. J’ai barboté entre le journalisme, la Slovaquie, le développement informatique, pour trouver THE truc qui me botte : le Product management. Enfin, je suis en apprentissage pour le moment, on ne s’emballe pas.