La Product Manager Louisa Berthomier vient de lire le livre Thinking in Bets de la célèbre joueuse de poker Annie Duke. Pour la communauté du Ticket, elle partage sa fiche de lecture sur ce bouquin qui apprend notamment à faire la distinction entre une décision et son résultat.
L’auteure: Annie Duke
Annie Duke est une joueuse de poker professionnelle. Après avoir presque fini ses études de Psychologie, elle plaque tout pour Las Vegas, 1 mois avant la soutenance de son PhD (équivalent américain du Doctorat).
Elle vit 20 ans d’une carrière fructueuse :
- ♠️ Elle devient l’une des rares femmes reconnues dans le poker pro
- ♥️ En 2000, elle se place 10ème au célébrissime tournoi du World Series of Poker. Enceinte de 8 mois. De son 3ème enfant.
- ♣️ Puis, en 2004, elle remporte tout bonnement le tournoi
- ♦️ Et cumule dans sa vie 4 millions de $ de gains (rien que ça)
Annie Duke a depuis pris sa retraite du poker, et s’est rabibochée avec ses études de psychologie. Elle devient une experte en sciences comportementales, théorie des jeux et neurosciences. Ce beau mélange l’amène à développer une réflexion avancée sur la prise de décision, qui aboutit à une activité de consultante, et à la publication (entre autres) de Thinking in Bets en 2018.
Le livre : Les 8 enseignements à retenir
1. Parfois, une bonne décision peut engendrer un mauvais résultat 🚗
Prenons l’exemple d’un conducteur automobile :
- Conduire sous l’emprise de l’alcool est indubitablement une mauvaise décision. Mais cela veut-il dire qu’un accident aura forcément lieu ? Non, car on peut avoir de la chance et arriver malgré à bon port (par pitié ne testez pas cette théorie 🙏)
- À l’inverse, on peut prendre le volant dans les meilleures conditions du monde (sobre, reposé et de bonne humeur après avoir lu la dernière édition du Ticket), mais un accident peut quand même arriver 😟
Autrement dit : ❌ Une mauvaise décision peut aboutir à ✅ un bon résultat ✅ Une bonne décision peut aboutir à ❌ un mauvais résultat |
Du coup, comment fait-on pour naviguer dans cette ambiguïté et faire de meilleurs choix ?
2. Le résultat d’une Décision 🎁 = Compétence 💪 + Hasard 🍀
Le résultat d’une décision dépend :
1/ de notre compétence
2/ de facteurs extérieurs et/ou inconnus qu’on dénommera hasard (on peut aussi parler de chance)
En reprenant l’exemple de la conduite :
- Compétence = être un bon conducteur, être physiquement apte à bien conduire (sobriété, niveau de fatigue)
- Hasard = comportement des autres conducteurs, météo (pluie, verglas), défaillance technique
Ce qui donne l’équation suivante en résumé : 🎁 RÉSULTAT = 💪 COMPÉTENCE + 🍀 HASARD |
Sachant que le hasard peut prendre une place immense dans le résultat :
Nous sous-estimons tous l’ampleur et l’impact de ce que nous ne savons pas.
(We all underestimate the amount and effect of what we don’t know)
3. 50 nuances de décisions 🚪
Nos décisions sont rarement 100% bonnes ou 100% mauvaises. On a rarement 100% raison ou 100% tort.
L’auteure suggère de raisonner en termes probabilistes, comme le font les joueurs de poker. Par exemple, une paire d’As (la meilleure main du jeu) n’assure pas la victoire, mais confère environ 80% de chance de gagner.
Tips On peut s’autoriser à dire « Je ne sais pas » ou « Je ne suis pas sûr.e » On peut formuler nos décisions en termes probabilistes : « Je suis sûr.e à 80% » |
À partir de là, on peut considérer une décision comme une mise (de nos ressources) sur un futur probable :
La précision de [nos] estimations dépend de la quantité d’informations dont nous disposons, et de notre expérience à formuler de telles estimations.
(The accuracy of [our] guesses will depend on how much information [we] have and how experienced [we] are making such guesses)
4. Questionner nos certitudes 🛸
Pour prendre une décision, nous nous basons sur les informations dont nous disposons.
Cependant nous transformons bien souvent les informations que nous recevons en certitudes, sans prendre le temps de les vérifier comme il se doit.
Comment nous pensons développer nos certitudes :
1/ On reçoit une info
2/ On l’examine minutieusement afin de déterminer si elle est correcte, et seulement si c’est le cas :
3/ On se crée une certitude
Comment nous développons des certitudes en vrai :
1/ On reçoit une info
2/ On se crée une certitude
3/ Parfois, plus tard, si on a le temps et la motivation, alors on l’examine pour déterminer son bien-fondé
Pour améliorer nos décisions nous devons donc questionner nos certitudes, ce qui revient à remettre en cause les informations dont nous disposons, par exemple :
- Comment ai-je développé cette certitude ❓Qui m’a transmis l’information initiale❓
- Mes informations sont-elles récentes ❓ De quand datent-elles ❓
- D’autres versions de mes informations sont-elles possibles ❓
- Etc
5. 🔎 Séparer la 💪 Compétence du 🍀 Hasard
Pour améliorer notre prise de décisions, on comprendra qu’il faut séparer la part du hasard de notre compétence dans le résultat. Ce qui permet d’entrer dans une boucle vertueuse :
Avoir de l’expérience ce n’est pas avoir vécu quelque chose, c’est ce qu’on fait de ce qu’on a vécu.
(Experience is not what happens to a man; it is what a man does with what happens to him)
Mais concrètement comment on fait ? Eh bien il n’y a pas de recette miracle, mais un bon début est de prendre conscience de nos biais.
Et voici le top 3 des biais à combattre pour améliorer nos prises de décision :
1/ Le biais de la tâche d’aveugle (ou biais d’angle mort) 🌑
Kézaco❓ Il est facile d’identifier des biais de jugement chez les autres, mais beaucoup plus dur de les reconnaître chez nous-mêmes (et plus on est intelligent, plus on est affecté par ce biais)
Comment le combattre ⚔️ ❓ En sollicitant du feedback auprès de nos pairs
2/ Le biais d’auto-complaisance 🪞
Kézaco ❓ Lorsqu’on s’analyse soi-même, on a tendance à attribuer un bon résultat à nos compétences, et un mauvais résultat au hasard.
Lorsqu’on analyse les autres, on à tendance à faire l’inverse : on attribue un bon résultat au hasard, et un mauvais résultat à leurs (mauvaises) compétences. Nos mauvais instincts peuvent nous pousser à nous comparer aux autres, et à vouloir être meilleur.e
Comment le combattre ⚔️ ❓ On peut se démarquer de manière positive en promouvant les succès des autres. Cette démarche peut remplir notre besoin d’auto-complaisance car elle est ardue et on peut être fier.ère de vouloir être positif
3/ Le biais rétrospectif ⏪
Kézaco ❓C’est la tendance qu’on a à surestimer la probabilité qu’un événement se produise après qu’il se soit déroulé (le célèbre « Je le savais ! »)
Comment le combattre ⚔️ ❓En documentant nos hypothèses avant de miser sur un résultat.
6. Le voyage temporel ⏳
En plus de se sensibiliser aux biais, nous pouvons compter sur la force du groupe pour améliorer nos décision. Deux possibilités :
- Former un (petit) groupe de pairs de confiance où tout le monde est en quête d’amélioration et accueille positivement les critiques constructives. Très efficace mais souvent compliqué à mettre en place.
- Former un groupe mental avec soi-même, en interrogeant son « moi du passé » et son « moi du futur » —> c’est le concept du voyage temporel (mais dans ta tête)
Le « moi du passé » nous permet de réfléchir aux fois passées où nous avons été dans une situation similaire, et utiliser cette expérience pour essayer de prédire le futur qu’engendrera un choix donné.
Le « moi du futur » nous permet de nous projeter concrètement dans les conséquences de notre décision. On peut utiliser la technique du « 10-10-10 » = se demander quel impact aura ma décision dans 10 min ? dans 10 mois ? dans 10 ans ? Et adapter notre décision en fonction de ce que l’on recherche et à quel horizon.
Si on regarde la réalité en face, on sait aussi qu’il est parfois difficile d’appliquer dans la durée une décision prise (au hasard : manger 5 fruits et légumes par jour !).
On galère tous à exécuter nos meilleures intentions.
(We all struggle to execute our best intentions)
Une astuce est de mettre en place une stratégie qui aidera notre moi futur à appliquer nos décisions (par exemple : éviter l’allée gâteaux du supermarché)
7. Cartographier le futur 🌳
De multiples futurs sont possibles, en fonction des multiples décisions différentes que l’on peut prendre. Pour poursuivre le meilleur résultat possible, il y a une technique :
- Lister tous les futurs qui peuvent se produire
- Identifier le meilleur résultat (ou celui qu’on aimerait atteindre), et retracer à partir de là la meilleure décision de départ
- Mais aussi : identifier les futurs négatifs (= ceux qui aboutiraient aux pires résultats), afin de prendre conscience des chemins de décision à éviter —> C’est le concept du Pre-mortem
8. Conclusion 🌈
Pas besoin d’être un joueur de Poker pro pour miser sur le futur et améliorer notre prise de décision. Réfléchir en « mises sur le futur » nous encourage à questionner les informations dont nous disposons, à remettre en cause nos certitudes, à entrevoir des alternatives et accepter que nous n’avons pas entièrement le contrôle sur le résultat.
Au moment de choisir, il n’y a pas de « bonnes » ou « mauvaise »s décisions, le futur porte son lot d’incertitudes et à nous (avec un poil d’analyse et de recul) de faire la meilleure mise possible.
Bonus : La checklist pour améliorer notre prise de décision :
☑️ Questionner les informations dont nous disposons
☑️ Séparer notre compétence du hasard, en ayant conscience de nos biais :
a/ Biais d’angle mort
b/ Biais d’auto-complaisance
c/ Biais rétrospectif
☑️ Consulter nos moi « passé » et « futur »
☑️ Mettre en place une stratégie pour aider notre « moi futur » à appliquer nos décisions
☑️ Projeter tous les futurs possibles (le meilleur et le pire), pour essayer de suivre la voie du meilleur et éviter le chemin du pire
Mon avis personnel
- Sujet très intéressant, livre pas trop long (230 pages), facile à lire et rempli d’anecdotes qui facilitent la compréhension des concepts
- Cependant, certaines anecdotes sont très spécifiques aux États-Unis et moins percutantes pour les non-Américains (longs exemples sur le baseball, le football américain ou les spécificités du système judiciaire US)
- Certains concepts abordés n’ont pas un lien évident avec la promesse du livre (= nous équiper pour prendre de meilleurs décisions)
Pour aller plus loin
- Système 1, Système 2 (Thinking Fast and Slow) (Danial Kahneman) —> Pour approfondir le sujet des biais et comprendre comment nous pensons
- Ce webinar d’Olivier Courtois —> Pour voir comment utiliser concrètement les principes de Thinking in Bets dans une équipe Produit
- Une conférence d’Annie Duke sur la prise de décision
Le livre : Infos pratiques
Titre : Thinking in Bets – making smarter decisions when you don’t have all the facts
Auteure : Annie Duke
Langue : Anglais
Date de sortie : Février 2018
Volume : 288 pages
(En cliquant sur la couverture, vous arriverez sur la page de l’éditeur. Et non chez qui vous savez… déso Jeff)
A propos de Louisa Berthomier
Hello, et enchantée 👋 Je suis Louisa, Product Manager expérimentée dans l’AdTech, actuellement chez Jellysmack dans le monde merveilleux de la Creator Economy.
Quelques infos sur moi :
- Je carbure au thé ☕ (ou, après 15h, au rooibos)
- J’aime le running 🏃♀️ (partagez-moi votre Strava, je vous couvrirai de kudos)
- Je ne peux pas vivre sans post-its
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