A la découverte de la roadmap collaborative des startups Luko, HomeExchange (ex Guest to Guest) et Libeo.
On s’est fait (gentiment) taper sur les doigts. Tu te rappelles de notre précédent dossier (Ticket N°006) sur les roadmaps dans les scale-ups, où l’on parlait de la kermesse de Deezer ou le “Release Planning Day” chez Meetic ? Et bien, on nous a fait remarquer – à juste titre – qu’on n’aurait pas dû y parler de roadmap mais de… release plan.
Alors oui, on a des lecteurs tatillons au Ticket (et c’est tant mieux !) et oui, roadmap est un des mots les plus galvaudés du produit (à l’usage, nous sommes beaucoup à ne pas faire la différence entre les deux notions).
Mais c’est justement une bonne occasion de rappeler qu’une roadmap produit (= feuille de route) présente la direction globale de la stratégie produit de la boîte (le “pourquoi ?”), tandis qu’un release plan détaille plutôt les prochaines sorties de fonctionnalités prévues (le “quoi ?”). C’est là où l’on se rend compte qu’on emploie bien souvent roadmap de manière abusive, hein ?
Pour celles et ceux que ça intéresse, on vient d’ailleurs de sortir un petit article explicatif sur la différence entre backlog, release plan et roadmap produit (l’occasion de te présenter notre nouvelle rédactrice au Ticket… Mamy Nintendo 🎉 !)
Pourquoi on dit tout ça ?
Parce qu’aujourd’hui, on va reparler longuement de ce sujet roadmap / release plan, mais, cette fois, plutôt dans des contextes de startups.
Avec un angle précis : les roadmaps dites collaboratives. Qui font appel à la participation de ses collègues ou de ses clients. Dans ce type de plus petites structures, où les PM se comptent souvent sur les doigts d’une main, il y a en effet généralement la pression :
- de rater le moindre mini-pivot ou la fonctionnalité qui pourrait changer le cours des choses
- des collègues qui se demandent à quoi ça sert une/un PM
- et de la / du CEO qui… est la personne qui s’en charge implicitement
D’où cette tentation de s’entourer de “non-product”. Le concept n’est certes pas nouveau. En témoignent les exemples de roadmap publique et participative de Slack, Buffer, Github, Front… Roadmap.
Mais, comme à notre habitude, on voulait voir ce qu’il en était en France. Très concrètement. Sans langue de bois. En mode cas pratique. Avec des détails actionnables. Pour informer. Voire inspirer. Bienvenue donc chez Luko, HomeExchange (ex Guest to Guest), Lodgify et Libeo !
Chez Luko, le produit est l’affaire de tous/tes
Commençons avec Marion Beaufrère, la première PM de Luko, devenue aujourd’hui head of product de la startup spécialisée dans l’assurance habitation en ligne (et qui vient d’ailleurs de lever 50 M€, en décembre dernier). Lors d une interview, dans le podcast Product Tape, elle raconte son arrivée, en 2018, dans une boîte de 5 personnes à l’époque, ses premiers pas de PM, elle, dont c’est la première expérience produit à proprement parler… Et à un moment, elle glisse l’expression de “roadmap collaborative”.
Curieux comme pas deux au Ticket (ou comme un pot de chambre dit-on, paraît-il, dans le Midi), on lui écrit pour lui proposer une entrevue, afin qu’elle nous en dise plus. Récit. L’idée vient en fait d’une réunion, en octobre 2018, entre les fondateurs et les responsables des grands pôles de la boîte, au sujet des nouvelles fonctionnalités à sortir. Raphaël Vullierme, le CEO, lâche alors : “Mais tu penses pas Marion que les autres pourraient aussi avoir de bons inputs ?” Et voilà comment Luko va se mettre aux roadmaps euh release plans collaboratifs.
Concrètement, voici comment ça fonctionnait. Tous les derniers mardis du mois, à 10h, c’était croissants chez Luko. Parce que c’est bon. C’était aussi et surtout le moment où toute la boîte (sur la base du volontariat) pouvait se retrouver pour parler produit. Marion commençait par y évoquer tout ce qui avait été délivré sur les 30 derniers jours. Puis, c’était la place aux pitchs !
Traduction : pendant une minute, n’importe quelle personne de Luko présentait une idée produit à développer.
“On devait remplir un board sur Notion (= un outil juste magique) au préalable, pour expliquer le pourquoi et le comment, se souvient Marion. À un moment, pour que cela soit mieux organisé, on a même décidé d’avoir une centralisation des inputs par équipe et je faisais une office hour avec les personnes qui allaient présenter les projets pour les aider à bien expliquer le problème et la solution”.
À la suite de chaque projet pitché, Benoît Bourdel, le CTO et cofondateur, prenait une minute à son tour pour en dévoiler la complexité technique. Histoire d’éduquer l’équipe sur la longueur potentielle des projets présentés.
L’exercice durait trente à quarante minutes (soit une quinzaine de projets) et ensuite… place aux votes ! Au tout début, tout le monde disposait de post-it de trois couleurs (vert, jaune, rouge) à coller en face de chaque projet pitché (vert = important, rouge = pas important), selon la pertinence business mais aussi la complexité technique (pour s’assurer que l’explication avait été claire de ce point de vue).
“Jusqu’au jour où l’on est devenu trop nombreux et, au lieu de passer des heures à compter des post-its, j’ai tout simplement créé un système de tags sur Notion”, précise Marion.
“Beaucoup d’énergie ressortait de cette matinée”
La priorisation qui en ressortait n’était pas consultative mais bien définitive ! Et 80 à 90 % des fonctionnalités étaient livrées dans le mois, selon elle. Pour elle, cet exercice avait plusieurs vertus :
1) La créativité. “Faire appel à l’intelligence collective est hyper générateur d’idées. Moi, toute seule, je ne peux pas penser à tout. Sachant qu’au début d’une boîte, tu embauches souvent des couteaux suisses qui ont plein d’idées, même en dehors de leur champ de compétences”.
2) L’engagement. “Il y a beaucoup d’énergie qui ressortait de cette matinée. Cela dynamise l’esprit de la boîte et invite chacun à sortir de son périmètre”.
3) L’éducation à la culture tech et produit. “Cela a créé une base forte en interne sur ce qu’est le produit. C’est d’autant plus important que ceux et celles qui ont rejoint Luko au tout début sont généralement à des postes plus élevés aujourd’hui. Donc ils / elles peuvent diffuser cela à leurs équipes”.
C’était aussi une façon plus convaincante de dire non à des projets potentiellement foireux… Fait étonnant : tout le monde était au même niveau dans cet exercice. Que cela soit Marion, en tant que PM, tel ou tel salarié ou le CEO (qui avait d’ailleurs une limite à 4 projets pour ne pas monopoliser toutes les idées de la session !)
Tu l’auras compris par l’emploi du passé tout au long de cette description, la “roadmap participative” de Luko n’existe plus aujourd’hui. Marion pointe un concours de circonstances pour justifier son arrêt, en mars dernier. Déjà, le confinement. “Avoir une salle pleine de gens qui pitchent et font des blagues… c’est dur à recréer sur un Hangout ! Ce n’est pas la même énergie”. On veut bien la croire.
Ensuite, un VP produit est arrivé à ce moment-là. Pas très partisan de cette formule, il a repris la conception de la roadmap sous son aile. Bon, il s’avère qu’il est parti quelques mois plus tard… “Mais cela a donné le coup de grâce, c’était dur de repartir après”. Surtout que la boîte, elle, n’a cessé de grandir et dépasse les 100 salariés aujourd’hui. Malgré tout, des questionnaires continuent d’être envoyés aux équipes pour récolter leurs feedbacks produit.
On l’a bien compris, Marion recommanderait chaleureusement ce concept aux jeunes entreprises. Mais, pour te donner une perspective plus large (c’est un peu notre raison d’être, en tant que média, au Ticket), on est allé interroger une autre personne qui a expérimenté l’exercice. Et son avis sur la question est nettement plus partagé.
Il est libre Alex (de Guest to Guest)
Alexandre Humeau est arrivé chez Guest to Guest en septembre 2015. La plateforme d’échange de maisons et d’appartements entre particuliers, devenue HomeExchange début 2017, est ce que l’on appelle une “entreprise libérée”. En référence au bouquin Liberté & Cie (2016, Ed. Clés des champs). Autrement dit, les salariés se voient confier plus de liberté d’actions et l’organisation est très horizontale, sans manager.
“Quand on a commencé à faire des roadmaps produit, rendu à une trentaine d’employés, il était donc assez naturel, étant donné la culture de la boîte, de faire participer tout le monde”, se souvient Alexandre.
À quelques détails près, on retrouve alors le même principe que chez Luko. Le support, le marketing, le CEO, le produit… tout le monde apporte ses idées en vue d’un “product pitch day”. C’est Alexandre lui-même qui s’occupe de présenter toutes les idées, en mentionnant le problème à résoudre, la solution, l’impact que cela peut avoir et le T-shirt sizing (= l’estimation de la taille / durée d’un projet), histoire que chacun/e ait les infos pertinentes pour prendre sa décision.
Au niveau du vote, pas de post-it mais plutôt un nombre maximum de points à allouer pour chaque projet, indiqués dans un document partagé. Avec un système de pondération pour éviter que les personnes d’une même équipe ne se donnent tous leurs points entre eux (c’est libéré mais faut pas abuser non plus !) et pour que les projets les plus stratégiques soient mieux valorisés également. À la fin, cela donnait un score… et donc une liste priorisée.
Résultat ? Un gros fail de l’aveu d’Alexandre ! “On s’est retrouvé avec une liste qui n’était pas du tout alignée avec la vision de la boîte et du produit. Et on a dû modifier la roadmap de façon un peu arbitraire pour exclure ce qui nous paraissait trop loin de notre scope”. Il creuse dans ses souvenirs et se rappelle notamment d’un projet de création de CMS pour créer des pages SEO hyper rapidement. “C’est un outil interne très bien en soi pour la stratégie de croissance. Mais comparé à d’autres fonctionnalités produit pour les utilisateurs, ça ne faisait très clairement pas le poids normalement !”
La solution plus soft des “Crew” (ou “Tribes”)
Le problème de cette méthode, selon Alexandre, c’est que tout le monde a le même poids que le produit dans la décision. “Alors que le métier de PM, c’est justement d’avoir le dernier mot sur la priorisation. En ayant au préalable vérifié les données, parlé avec des utilisateurs etc. Ça pouvait donc être très frustrant”. S’il fallait retenir des points positifs malgré tout, Alexandre revient lui aussi sur cette notion d’évangélisation de ce qu’est le produit. Et d’optimisation de la com’ interne.
Pas suffisant toutefois pour renouveler l’expérience… une deuxième fois ! Ci-gît la roadmap collaborative de Guest to Guest. RIP.
Une nouvelle initiative a malgré tout pris un semblant de succession : les “Crew”. Qu’on pourrait traduire de manière bien pompeuse par “groupes de travail et de réflexion transversaux et multidisciplinaires”. On va rester sur Crew, hein.
“Dès qu’on avait un problème, on créait une Crew avec une personne de chaque équipe. Tout le monde pouvait ainsi créer ou rejoindre un Crew chez Guest to Guest, si on voulait travailler sur d’autres sujets que son day to day”, explique Alexandre.
Ironie de l’histoire : ce système existe aussi dans la boîte actuelle d’Alexandre, Lodgify, un logiciel de gestion de location saisonnière, créé par un Italien et un Allemand et basé à Barcelone (l’auberge espagnole version startup en somme). Sauf que les “Crew” s’appellent plutôt des “Tribes” (il ne manque plus que “Squad” dans l’article et on aura rempli une ligne du bingo des appellations préférées des PM). Et qu’elles sont plutôt initiées par le management plutôt que par les salariés eux-mêmes. Mais la démarche reste la même : dès qu’on a un grand enjeu produit, on crée une Crew / Tribe pour le résoudre.
Prenons un exemple concret. Des utilisateurs de Lodgify aimeraient pouvoir recevoir tous les messages des différentes plateformes (Airbnb, Booking, HomeAway/Abritel…) à un seul et même endroit (comme le proposent déjà des concurrents). Une “Messaging Tribe” a ainsi été créée, composée d’une personne de l’onboarding client (= étape après la vente), une du support, une du produit et Alexandre, en tant que head of product (la question se pose pour intégrer aussi un(e) dev’ également).
Cette équipe transverse se réunit grosso modo toutes les deux semaines voire toutes les semaines pour avancer sur cette fonctionnalité. Par exemple, l’implication de la personne du support va permettre de poser spécifiquement des questions aux utilisateurs sur ce sujet, quand cette dernière en aura au téléphone. “Cela ne nous empêche pas de faire de la discovery (= exploration produit) nous-mêmes. Mais cela représente tout de même un gain de temps et on arrive, au final, à trouver une solution tous ensemble”. OK, on a quitté les roadmaps ici mais on en parle quand même pour le côté participatif.
Les “Clubs” croissants de Libeo
Bref. Roadmap collaborative. Thèse : Luko. Antithèse : Guest to Guest. Soyons bien scolaires : place à la synthèse ! Une boîte qui fait un peu son release plan de manière participative. Mais pas trop. Et en plus, pour varier les plaisirs, elle opère cette fois en B2B (= destiné à un marché d’entreprises) et est collaborative non pas avec ses employés mais… ses clients (différence non négligeable, on l’accorde).
Là encore, c’est grâce à l’écoute d’un podcast (Dans la tête d’un PM en l’occurrence) qu’on l’a découverte. Libeo est une startup fondée en 2019 qui facilite la facturation des TPE-PME. Elle en compte plus de 35 000 utilisatrices et a déjà levé 26 millions d’euros en un peu plus d’un an.
3 mois après son lancement, Christelle Arquié, sa CMO, propose à Pierre-Antoine Glandier, son CPO/CTO et cofondateur, d’organiser une rencontre avec les utilisateurs. Il n’est pas, d’emblée, super convaincu. “Pour moi, les gens avaient d’autres choses à faire que de prendre un petit dej’ avec nous…”, estime-t-il. Sauf que 25 personnes répondent finalement présentes… sur la quarantaine de clients que compte la boîte alors !
“À la base, c’était plus une idée de com’ pour créer une relation et parler de leur business. Mais, petit à petit, ça a basculé. On a vu que les gens aimaient parler de notre produit. L’événement est donc devenu un point fort de notre roadmap”, raconte Pierre-Antoine. Voyons ça en détails.
Déjà, ces “clubs” (c’est leur petit nom) ont lieu tous les trimestres. Généralement de 8h à 9h30, avant le boulot. Dans la salle, une vingtaine d’utilisateurs/rices et une partie de l’équipe de Libeo (notamment produit et technique). Après le petit café et les croissants -encore eux-, la startup présente ce qu’elle a délivré sur ces trois derniers mois, avec une petite démo, en prime, des nouvelles fonctionnalités. Pour voir les réactions au passage.
“Au début, on voulait cadrer la discussion. On avait prévu un agenda, mais on s’est vite rendu compte qu’il faut plutôt laisser flotter, car les clients réagissent entre eux. Parfois, ça devient même lunaire : ils parlent de notre produit entre eux, sans nous. “Nous, on l’utilise comme ça…” “Nous, on fait ça aussi avec…”. Tu écoutes et tu découvres qu’ils n’utilisent pas forcément le produit comme toi tu l’as pensé !”, rigole Pierre-Antoine.
Ensuite, on affiche à l’écran une slide intitulée “Ce que nous allons travailler prochainement : Votez !” 9 briques sont affichées, parmi lesquelles, par exemple, “encaissement de facture”, “appli mobile plus poussée”, “notes de frais” ou encore “virement en devises”.
« Ça reste des univers. L’idée, c’est que cela résonne chez eux mais peut-être pas comme chez moi. On ne veut pas les emmener dans une perception figée de ce que l’on a en tête”, explique Pierre-Antoine. Avant de préciser : “On ne leur propose pas ici de nous écrire ce qu’ils pensent. On présente plutôt des briques stratégiques qui proviennent de notre vision produit”.
Une différence notable par rapport aux exemples de Luko ou Guest to Guest. Car Pierre-Antoine n’est pas convaincu par le fait d’avoir un release plan 100 % collaboratif :
“Cela me fait un peu penser au mouvement brownien en physique. C’est une particule qui bouge à une vitesse incroyable mais va tellement dans toutes les directions qu’elle fait du surplace au final. Autrement dit, ça manque de vision stratégique”.
Pour donner tout le contexte, il faut savoir que la roadmap de Libeo repose en fait sur trois piliers :
- La vision produit des fondateurs
- Les retours utilisateurs du quotidien
- Et ceux des “clubs”
Les deux derniers représentent entre 50 % et 60 % de la roadmap. À peine la moitié donc. Sachant que toutes les 4 à 6 semaines, l’équipe s’arrête une semaine pour ne traiter que les petites choses les plus demandées par les utilisateurs.
“Mais si on ne fait que ça tout le temps, notre solution tourne en rond et on ne progresse pas, admet Pierre-Antoine. D’autant qu’il ne faut pas oublier que, dans les “clubs”, on écoute nos clients existants. D’où les 50 % restants de notre roadmap dédiés à notre vision produit, pour aller chercher ceux qu’on n’a pas encore !”
Idéal quand tu cherches encore ton adéquation produit / marché
Revenons à notre salle où se déroule le club Libeo (ou à la réunion Zoom désormais, du fait de tu sais quoi). Car la phase tant attendue, véritable fil rouge de ce dossier, arrive… et revoilà la sous-préfète : le vote des fonctionnalités !
À l’époque où cela se faisait en physique, les clients devaient “voter avec les pieds” en collant une gommette rouge (1ère priorité) ou verte (2e priorité) en face des projets de leur choix.
“Choisir, c’est renoncer. Si tu les écoutes, tu as envie de tout faire. C’est pour cela qu’on ne donne qu’un nombre limité de votes. Cela permet de voir ressortir les tendances et, à partir de là, cela ouvre la discussion. Cela devient presque de la user research en fait, tout en nous donnant une base de futurs bêta testeurs,” raconte Pierre-Antoine.
Et ce type d’exercice n’est pas que de la figuration. Il arrive en effet que le release plan prévu initialement soit modifié après le “Club”. Pierre-Antoine se rappelle notamment du cas d’une fonctionnalité de gestion des fournisseurs.
“On l’avait mise dans les 9 idées proposées, en se disant que ça ne les intéresserait pas. Et là, surprise : le truc prend 10 votes en premier choix sur les 20 répondants ! En fait, ils nous ont dit qu’il existait plein de CRM pour gérer ses clients, mais pas pour ses fournisseurs. Nous, on fait du paiement, des trucs bien plus costauds technologiquement qu’un annuaire de fournisseurs, mais c’est ça qu’ils voulaient ! Il y en a même qui viennent chez nous juste pour ça. Pour le coup, si j’avais fait ma roadmap tout seul, je ne l’aurais pas programmé avant un an au moins…”
Avec du recul, Pierre-Antoine se montre assez lucide sur les bienfaits de l’exercice mais aussi ses limites.
“Le gros avantage, c’est que tu éduques tes utilisateurs. Quand tu demandes absolument une fonctionnalité et que tu vois que, finalement, ta pastille rouge est toute seule en face, tu comprends mieux comment on prend nos décisions. Même en interne, cela peut être utile pour clore des discussions quand il y a débat. Sans oublier que cela a un côté très énergisant pour nous et qu’on apprend des tonnes de trucs auxquels on ne pensait même pas.”
Côté limites, il est bien conscient que ce principe de club est plus facile à opérer en B2B (car il y a moins de clients) et sur un produit comme le sien utilisé quasiment tous les jours. Par ailleurs, il reconnaît que l’exercice est parfait quand tu commences à avoir tes premiers utilisateurs. Moins après.
“C’est idéal au début car tu as des discussions honnêtes avec des gens qui aiment ton produit, sinon, ils ne viendraient pas. Mais je pense que cela a moins d’utilité quand tu as atteint ton product market fit (= adéquation produit / marché). Cela devient moins crucial et tu changes un peu de forme. On repasse plus sur de la com’ et de l’image de marque”.
Rendu à ce stade, l’enjeu du release plan devient alors de plus en plus celui de la communication interne, de la synchronisation des équipes et de la gestion des dépendances. Et c’est là où il est pertinent de (re)lire notre dossier sur les roadmaps dans les scale-ups. Thèse. Antithèse. Synthèse. Et invitation à prolonger la réflexion en conclusion. Scolaire jusqu’au bout.
Ce qu’on a retenu en réalisant ce dossier : – Rendre le produit ludique et participatif est une belle façon d’éduquer l’ensemble d’une boîte / de ses clients à la fonction produit (et ça rend humble) – Plusieurs moyens pour y arriver : release plan collaboratif, équipes multidisciplinaires (les Crew de Guest to Guest)… la créativité est la limite ! – Points de vigilance : la dilution de la valeur ajoutée d’un/e PM et de la vision produit d’une boîte – Attention aux angles morts : écouter ses salariés / clients = pas toujours représentatif de l’ensemble de son marché potentiel (C’est un peu le “J’écoute ceux qui manifestent mais j’écoute aussi ceux qui ne manifestent pas” du célèbre PM D. de Villepin lors du CPE) – Le participatif doit être un moyen et non une fin. Il faut comprendre à quoi cela peut concrètement servir (évangélisation produit, génération d’idées, recherche du product market / fit etc.) |
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