Vous n’avez pas pu assister à la School of Product 2024, la grande kermesse product automnale organisée par le cabinet OCTO Technology, le 19 novembre dernier, à la Cinémathèque française ? Voici notre critique de ce 7e volet d’une des plus grandes conf’ produit de l’année en France.

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 ✉️ Article issu du Ticket n°090

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Les résumés des conférences de la School of Product 2024 à retrouver dans cette édition (⭐ nos coups de coeur) :

1- Les PM ne sont pas responsables de la stratégie produit mais de la stratégie d’influence (Antso Rakoto, France TV)

2- La différence entre utile et pratique (Lou Grasser, Le Monde)

3- Les 4 éléments d’une stratégie militaire (Solène Beny, Armée de l’air)

4- L’envers du décor du numérique (Bela Loto Higgler, maison de l’informatique plus responsable) ⭐

5- Utile, utilisable, utilisé ? La véritable éco-conception d’un produit (Romane Clément, CTRL S)

6- Les 3 façons de planter son projet avec l’IA (Anne-Claire Baschet, Mirakl) ⭐

7- La manière (surprenante et osée !) dont Decathlon a créé son service de location de produits (Yann Carré et JB Hugeux, Decathlon) ⭐

8- Les frameworks d’Adeo pour incarner la mission de l'entreprise dans le produit (Loïc Dilly, Adeo)


Nouveau logo mais même esprit "buissonnier" du Product Management. Pour cette 7e édition de la School of Product, Octo a renvoyé Frankenstein à son cercueil pour arborer à la place un caméléon. Manière - involontaire- de faire écho à l’exposition dédiée au réalisateur d’Avatar, James Cameron, qui se déroule au même moment à la Cinémathèque Française.

Manière - surtout - de faire référence à l’adaptation dont doivent faire preuve les équipes produit face à l’émergence de l’IA, aux enjeux climatiques ou, plus simplement… à leurs différentes parties prenantes ! Autant de sujets abordés durant l’événement et résumés dans cette synthèse de notre journée cheminant à travers les différentes salles obscures, à écouter - c’est assez rare pour être souligné - des interventions majoritairement féminines.

1) La conf de la journée : les 2 idées reçues sur le produit, selon Antso Rakoto (France TV)

Démarrage en trombe avec l’une de nos conf’ coup de cœur de la journée. Sur scène, Antso Rakoto, le VP Product de France TV, qui dirige une équipe de 80 personnes. Ça, c’est pour la présentation Linkedin “qui booste mon ego et fait gonfler mes chevilles”.

Mais côté face, Antso assume aussi ouvertement d’être : 

  • le cofondateur d’une boîte qui a réalisé “environ 0 € de CA en 2 ans”
  • le responsable d’une menace de grève au sein du groupe audiovisuel public
  • et le responsable d’une app qui n’a pas marché et qui a fait perdre des millions d’euros à son ancien employeur, Canal+, et son actionnaire, Vincent Bolloré (applaudissements dans la salle 😅)

Le but de cet exercice de transparence ? Incarner le thème de son intervention : en finir avec une vision trop sublimée du métier de Product Manager. Et battre en brèche 2 idées reçues liée à la profession.

Idée reçue n°1 : Les Product Managers décident de tout

Être “CEO de son produit” et décider de la roadmap ou des fonctionnalités à développer ? Hum, Antso se montre sceptique. “Quelle est la dernière fois que vous avez pris une décision seul·e ?” lance-t-il à la salle.

Selon lui, il n’est pas possible d’afficher sur une fiche de poste que la personne sera responsable de la stratégie produit sachant qu’elle ne sera pas décisionnaire finale. “Pour moi, on ne décide de rien. Notre vrai métier, c’est d’influencer !”

Autrement dit, d’être un peu comme Léo Di Caprio dans Inception : réussir à faire en sorte que tout le monde en arrive à la décision… que vous aimeriez prendre en tant que PM ! Comment y arriver ? Antso évoque 3 étapes : 

  • 1ère étape : Cartographier avec la matrice attente / pouvoir de Mendelow

L’objectif : cartographier ses parties prenantes… et prioriser l’effort auprès de celles qui ont vraiment le pouvoir (à droite).

📘Au passage, le livre Aligned (dont la fiche de lecture est ici) explique comment déceler les véritables détenteurs du pouvoir d’une orga.

  • 2e étape : Comprendre son champ d’action avec l’influence Map de Stephen Covey

L’objectif : évaluer sa sphère d’influence. C’est-à-dire les personnes qui sont dans son cercle de contrôle, d’influence ou de préoccupation (= auxquelles on n’a pas accès directement).

  • 3e étape : construire son arbre d’influence

Avec les informations collectées auparavant, il est possible de définir sa stratégie d’influence. 

Exemple concret : à son arrivée, Antso souhaitait mettre un login obligatoire afin de pouvoir regarder une vidéo sur France TV, afin de mieux connaître les utilisateurs. Problème ? C’est le Comex qui prend cette décision… et il n’y a pas accès (= cercle de préoccupation).

Il s’est alors demandé : est-ce que j’ai dans mon cercle de contrôle une personne influente qui pourra m’aider ? Réponse : oui, sa boss qui va réussir à planter la graine au sein du Comex et faire en sorte que la décision soit validée finalement.  

Source : Linkedin de Michael Baeyens (un ex de France TV) également séduit par le talk

Idée reçue n°2 : Le projet est l’ennemi juré du produit

Deuxième idée reçue abordée, la fameuse (et fumeuse) opposition projet / produit. Antso se rappelle d’un dej’ pris avec un responsable de scale-up au cours duquel il lui présente l’opération de France TV pendant les JO (96 % de la population française touchée, record d’audience sur le numérique, note de satisfaction utilisateur de 8/10…).

La réaction de son interlocuteur ? “Oui, bah vous avez livré un projet en temps et en heure, quoi”. Petite vexation intérieure d’Antso. Qui se remémore au passage les témoignages de certains Product Manager de son équipe : “Antso, on ne fait pas de produit là”. 

“Sous-entendu : tel qu’on l’a appris. Mais peut-être que le problème n’est pas de mal faire mais d’avoir mal appris”, nuance le VP Produit. Qui projette alors un quizz : “Faire du produit, ça veut dire quoi ?”

  • Réponse A : identifier les besoins des utilisateurs et proposer les meilleures solutions
  • Réponse B : Créer des roadmaps basées sur l’impact
  • Réponse C : Maîtriser les meilleures méthodes et outils product
  • Réponse D : Créer le maximum de valeur pour les utilisateurs et pour l'entreprise le plus rapidement possible 

Pas besoin d’appel à un ami Jean-Pierre, c’est… la réponse D.

“Bravo… sauf que la grande majorité de la littérature ne parle que des 3 premières réponses”, répond Antso. Qui ajoute finalement à sa définition “peu importe la manière de faire” !

“Faire du projet n’est pas le mal incarné. Ça ne veut pas dire abandonner nos principes mais juste les adapter. La démarche projet peut aussi être au service du produit”, conclut-il.

Une manière d’être plus inclusif envers les personnes qui ne sont pas expertes Product…

2) La nuance de la journée : “Utile” ne veut pas dire “pratique” (Lou Grasser, Le Monde)

La directrice des opérations numériques du Monde, Lou Grasser, ouvrait cette année la School of Product avec une intervention sur l’utilité. Et en particulier de nos produits numériques.

On a particulièrement aimé sa définition :

“Un produit est utile quand il nous transforme, quand il nous fait sentir plus grand, quand il développe notre humanité, quand il nous aide à faire mieux demain”.

Une notion différente de la praticité qui correspond plutôt à l’amélioration du quotidien. Tout est dans la nuance.

Les yeux dans le bleu

3) La formule de la journée : S = K F Ψ t

“Une” colonelle, ce n’est pas si courant. Mais une colonelle dans une conférence produit, cela relève clairement de l’incongruité.

Certes intriguant, ce pas de côté n’en est pas moins inspirant. On ne compte plus le nombre de transferts du militaire vers le monde de l’entreprise, aussi bien technologique (à commencer évidemment par Internet) que managérial et organisationnel (concept de brief / back-brief, les squads etc.).

Dans son intervention, Solène Beny, colonelle dans l’Armée de l’air et de l’espace, a souligné un paradoxe : dans le domaine militaire, il est vital de pouvoir utiliser la technologie… comme d’apprendre à pouvoir s’en passer ! Les jeunes officiers apprennent par exemple encore à se servir d’une boussole et d’une carte, au cas où les technologies se révèlent inutilisables sur le théâtre d’une opération.

Notre passage préféré ? L’explication de la formule de stratégie militaire énoncée par le général André Beaufre, auteur d’un des ouvrages de référence dans le domaine, Introduction à la stratégie.

Stratégie = K F Ψ t

Explications : 

  • F = les forces matérielles (= la techno)
  • Ψ (psi) = Les forces morales (= les compétences aussi bien techniques que psychologiques des personnes)
  • t = le temps (= qui peut aussi bien être un inconvénient qu’une opportunité, cf image ci-dessus entre l’Ukraine et la Russie)
  • K = le facteur spécifique du cas particulier (= la chance, l’aura du chef etc.)

Exemple très concret : Nous sommes en décembre 1805. Napoléon, qui se met sur la gueule avec l’Autriche et la Russie, fait courir la rumeur que ses forces sont affaiblies, en retirant ses troupes de certaines zones, dont le plateau d’Austerlitz, où s’installent ses adversaires. Un piège : c’est exactement l’endroit propice pour attaquer selon l’analyse du champ de bataille faite au préalable par Napoléon.

À cela s’ajoute la chance. Dans la nuit du 1er décembre, une épaisse couche de brouillard permet de manoeuvrer en toute discrétion. Et le 2 au matin, la brume se lève subitement pour laisser place au soleil et permettre de mener l’offensive avec une grande visibilité ! 

Avec la réussite que l’on connaît, passée depuis à la postérité, alors que les forces matérielles et morales n’étaient pas forcément en sa faveur.

On ne sait pas toi mais nous, on y a vu beaucoup de parallèles avec le monde du produit ;) Allez, une citation de Churchill pour conclure : “Les plans ont peu d’importance mais la planification est essentielle”.

4) Le feedback entendu dans les allées de la conf’

- “Ah, t’as vu, y’a Le Ticket qui est partenaire”

- “Ah ouais. Je vais bientôt prendre leur abonnement je pense…”

(Alors qu’on s’apprête à se mêler à la conversation)

- “Ouais. Par contre, sur leur site tout reste encore “à venir” ” (rires)

(Ça progresse : avec le retour aujourd’hui des formations, il ne reste plus que les templates qui sont à venir 😂)

Qui a dit que le Product était une caricature ? (belle trouvaille en tout cas en matière d’animation entre les conf’)

5) La prise de conscience de la journée : poubelle la vie (numérique)

Savoir se questionner sur notre responsabilité. Voici, pour nous, ce qui fait le charme et la spécificité de cette conf’ à l’esprit si particulier. 

Malgré le changement d’équipe de programmation (les personnes originelles derrière la conf’ School of Product ont laissé les clés du camion cette année), on a retrouvé ces conf’ poil à gratter qui nous invitent à nous questionner sur notre impact (global, pas seulement business !) en tant que concepteur de produits. Notamment celle de Bela Loto Higgler.

Dans son intervention habilement intitulée “Loin des yeux, loin du coeur”, la fondatrice de la maison de l’informatique plus responsable nous raconte toute la face cachée du numérique.

Du “Red IT”, en opposition au “Green IT” et en référence au bouquin Cobalt Red, qui montre à quel prix humain se fait l’extraction de ce matériau essentiel notamment pour les batteries. En passant par les usines de fabrication de nos appareils électroniques où le suicide est interdit… dans le règlement intérieur des boîtes !

Sans compter l’industrie du clic : Bela parle de “l’IA potemkine”, ces projets qui donnent l’illusion d’être basés sur l’IA mais qui tournent en réalité grâce à une armée de tâcherons. Sa reco ? Toujours se demander avec qui, foncièrement, on travaille.

6) La blague de la journée : quel est le point commun entre un enfant de 4 ans, les Backstreet Boys et les Product Managers ?

Réponse : ils demandent tous “Tell me Why” 😂

Derrière cette (très bonne) blague de Romane Clément, la fondatrice de l’agence de design spécialisée dans le numérique responsable CTRL S, une interpellation directe pour les Product Managers : quelle est l’utilité réelle de vos produits ?

Car oui, la vraie éco-conception d’un produit ne se résume pas à vouloir compresser ses images. Mais plutôt à porter une évaluation honnête sur son utilité et donc sa création en tant que telle.

Pour Romane Clément, même si le gros de l’empreinte carbone du numérique provient des biens physiques (téléviseur, ordinateurs, serveurs etc), il convient d’intégrer une vision systémique quand on travaille pour un software. Autrement dit, l’ensemble de nos produits ont une implication en termes d'infrastructure derrière.

Surtout si l’on considère les externalités négatives, les effets d’empilement ou les effets rebonds (exemple : plus économes que les tubes cathodiques, les écrans LCD consomment toutefois plus car ils ont permis d’avoir des TV plus grandes).

De ce point de vue, elle dresse un constat assez sévère sur l’IA, qu’elle considère comme une technologie “zombie”. “Un produit déjà mort à l’aune de ce qu’il va devoir consommer pour survivre”, explique-t-elle. Petite claque.

7) Les bons conseils pratiques de la journée : 3 façons de planter son projet avec l’IA

L’IA, parlons-en justement. Dans la track “Faire mieux demain”, Anne-Claire Baschet, la Chief Data et IA Officer de la licorne française (méconnue) Mirakl s’est efforcée d’expliquer comment en faire un meilleur usage à l’avenir.

Une conf super pratique et actionable, basée sur des exemples concrets vécus, qui revient sur 3 grandes erreurs commises quand on fait de l’IA.

Erreur n°1 : Voir de l’IA partout

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